Adrien Duport

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Adrien Duport
Adrien Duport

Adrien Jean-François Jules Duport, né à Paris le 6 février 1759 et mort à Gais (Appenzell Rhodes-Extérieures) le 6 juillet 1798, est une personnalité importante des débuts de la Révolution française.

Sommaire

[modifier] Origines

Il est le fils d'un conseiller à la chambre des comptes et au Parlement de Paris, François Mathieu du Port (1718-1794), baron d'Anglure. Après des études au collège de Juilly, chez les oratoriens, il fut reçu avocat au Parlement de Paris en 1778, puis conseiller au même Parlement le 29 juillet de la même année. Il sera reçu au mois d'août suivant en la 3e chambre des enquêtes et y restera en charge jusqu'en 1790.

[modifier] Ses nombreuses influences

Ses écrits de jeunesse montrent un homme au fait de l'esprit de son temps, ayant lu Jean-Jacques Rousseau et Voltaire, mais ses idéaux le rapprochaient plus des théories de Montesquieu et des physiocrates. Les textes de Cesare Beccaria sur les réformes de la justice l'ont également beaucoup influencé. Sa formation explique son évolution politique. Il devint le centre de la résistance parlementaire contre l'absolutisme, s'orientant vers des positions proches de celles défendues par Antoine Barnave et Jean-Joseph Mounier. Il partagea l'enthousiasme de ses contemporains pour la révolution américaine et se lia avec La Fayette. À partir de 1784, il fut adepte du mesmérisme et voyait dans cette société secrète un moyen de préparer de grands changements dans la société et l'État. Il y côtoya Nicolas Bergasse et Jacques Pierre Brissot. Initié à la loge des Amis réunis à Paris, il participa aux débats franc-maçonniques. Il devient l'un des principaux meneurs du groupe des parlementaires et organisa chez lui, au Marais, une sorte de club où il réunit les grands libéraux qui ont choisi comme modèle les institutions anglaises. Mais il souhaite des réformes plus radicales de la société : « Labourez profond ! » comme il le répétait.

[modifier] Le Parti des nationaux (1787)

L'échec de l'Assemblée des notables incita Adrien Duport à entrer dans le combat politique, à l'été de 1787. À la fin de juillet, il demanda la réunion des États généraux, pour doter la France « d'une solide constitution ». Il fonda alors le Parti des nationaux (également appelé Parti des patriotes), où se retrouvèrent des personnalités extérieures au Parlement de Paris : La Fayette, Nicolas de Condorcet, Emmanuel-Joseph Sieyès, Guy-Jean-Baptiste Target et Marie-Jean Hérault de Séchelles. Il s'opposa aux édits des ministres du roi et le 4 janvier 1788, sur sa proposition, le Parlement rend un arrêt qui condamne les actes arbitraires du gouvernement, l'emprisonnement sur lettres de cachet et l'exil des opposants à la politique royale.

[modifier] La Société des trente (1788-1789)

Rompant avec la majorité des parlementaires, Adrien Duport se rallia au Tiers État dans sa campagne en faveur du doublement de la députation du Tiers et du vote par tête. Pour parvenir à ces objectifs, il fonda en janvier 1788 la Société des trente (également appelée Comité des trente), issue d'une extension du Parti des nationaux, opposée à la distinction entre les trois ordres. Cette société attira l'élite de la noblesse libérale, du haut tiers et même des grands prélats : La Fayette, Honoré Gabriel Riqueti de Mirabeau, Emmanuel-Joseph Sieyès, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, François-Xavier-Marc-Antoine de Montesquiou-Fézensac, Pierre Samuel du Pont de Nemours, et Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, les frères Théodore de Lameth et Alexandre Théodore Victor de Lameth, ainsi que le banquier suisse Étienne Clavière. Ils contribuèrent à infléchir l'opinion publique lors de la rédaction des cahiers de doléances et des élections aux États généraux. Un manifeste résumant le programme libéral de la Société des trente le mena aux États généraux.

[modifier] L'Assemblée nationale constituante (1789-1792)

Adrien Duport est élu député de la noblesse de Paris aux États généraux le 5 mai 1789. Il refusa d'adhérer à la déclaration de la noblesse qui condamnait les décisions du Tiers le 17 juin. Après la séance royale du 23 juin, il fut l'un des premiers des 47 nobles libéraux qui rejoignirent le Tiers État dès le 25 juin, avec Louis Philippe d'Orléans et Alexandre Théodore Victor de Lameth. Jean Sylvain Bailly l’accueillit avec joie et le qualifia de « prince illustre, une partie imposante et respectable de la noblesse française ». Il restera député de la ville de Paris jusqu’au 30 septembre 1791. Il participa activement aux débats de l'Assemblée constituante de 1789. Il se rallia à la prise de la Bastille et contribua à l'abolition des dîmes le 28 juillet, de la noblesse et de ses privilèges le 6 août, et fit supprimer la gabelle le 27 août. Il prit part à la rédaction de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen de 1789, en présentant son propre projet dans lequel il combat les abus de l’Ancien Régime, et sera le rapporteur de l’article 17. Il fréquente à partir de septembre 1789 le Club breton puis le Club des Jacobins après les journées d'octobre. Il s'opposa aux deux chambres et au veto absolu du roi en matière législative face à La Fayette et à Mirabeau, entreprenant de diminuer les pouvoirs du roi en faisant voter la transformation du veto absolu en un veto suspensif.

Dès le mois de novembre 1789, Adrien Duport se lia à Antoine Barnave et Alexandre Théodore Victor de Lameth, formant ce que l'on a appelé le Triumvirat. Ces trois amis, ces trois complices, si différents, se complètent à merveille. L’un a la tête, l’autre la voix, le troisième l’action. Un dicton court à l’Assemblée : « Ce que Duport pense, Barnave le dit, Lameth le fait. » Tous trois, Adrien Duport en tête, dominèrent le Club des Feuillants, où l’on retrouve La Fayette, Barnave, Bailly et les frères Lameth, au sein duquel la lutte avec La Fayette se fera de plus en plus vive.

Il contribua directement au décret accordant l'égalité et les droits de citoyens actifs en faveur des juifs, des protestants et des comédiens, le 23 octobre 1789. Il vota en février 1790 pour qu'aucun député ne pût accepter de place au gouvernement. Fondateur et membre du Comité de législation, Adrien Duport fut l'un des principaux auteurs de la réforme judiciaire, à travers son rapport du 29 mars 1790 sur l’organisation de la magistrature. Le 31 mai, il vota la suppression de la peine de mort et provoqua l'abolition des lettres de grâce. Il soutint la confiscation des biens de l'Église, et le 27 août 1790 demanda l'émission d'assignats-monnaie. Dans cette campagne en faveur de l'assignat il ne se distingua pas d'Étienne Clavière et de Jacques Pierre Brissot. Duport voyait dans cette monnaie un moyen de multiplier les propriétés foncières, et par conséquent de stabiliser le nouveau régime en attachant cette nouvelle classe possédante à son maintien. Il fut président de l’Assemblée du 14 au 26 février 1791.

Il faudra attendre la mort de Mirabeau, le 2 avril 1791, pour qu’Adrien Duport et ses amis se décident à faire front commun avec La Fayette contre les démocrates qui veulent aller plus loin dans le processus révolutionnaire en proclamant l’abolition de la royauté et l’instauration de la République. Mais craignant une brutale accélération de la Révolution et des excès, il devint partisan de la stabilité et passa à une politique ouvertement conservatrice, tendant à renforcer l'exécutif. C'était la rupture avec l'aile la plus avancée des Jacobins. Brissot le dénonça dans sa presse dès le début du mois. Parmi les éléments qui poussèrent Adrien Duport vers la Cour, figuraient la question religieuse et l'obligation du serment par les prêtres. Dans son discours du 31 mai 1791, il dénonça l’inutilité et le danger de la peine de mort. Pour populariser cette politique, il fonda un journal, Le Logographe, bénéficiant d'une aide financière de la liste civile en juin. La fuite de Louis XVI et arrestation à Varennes les 20 et 21 juin, puis le développement du mouvement républicain au début de juillet firent accélérer l'évolution d'Adrien Duport. Il y vit le moyen opportun d'écraser le mouvement populaire et de renforcer le pouvoir royal et s'opposa à toute forme de jugement du roi. Louis XVI se tourna vers le Triumvirat. Adrien Duport fut l'un des trois commissaires chargés d'aller recueillir les déclarations du roi sur les circonstances de son départ. Il défendit les prérogatives royales en tentant d’infléchir la constitution dans un sens favorable au roi. Adrien Duport fut parmi ceux qui prirent l'initiative de la scission du Club des feuillants, dont il fut l'un des principaux dirigeants.

Adrien Duport fut le principal artisan du décret du 27 septembre 1791 qui accorda une émancipation complète et rapide des Juifs de France. Les Juifs purent ainsi rentrer de plain-pied dans la vie française en prêtant le serment de citoyen.

Jusqu'en mars 1792, le Triumvirat exerça un pouvoir occulte sur le ministère et sur la majorité modérée de l'Assemblée. Adrien Duport tenta alors de s'opposer au vote des décrets contre les émigrés et les prêtres réfractaires, et conseilla à Louis XVI d'utiliser son veto. Après la déclaration de guerre à l'Autriche, il se rapprocha de La Fayette et envisagea avec lui un mouvement contre Paris et les Jacobins en cas de nouvelle insurrection. Il entama en même temps des négociations secrètes avec l'Autriche. À ce moment, il était le véritable chef des feuillants et sa politique reposait sur une paix rapide, qui permettrait à l'armée d'intervenir dans Paris. La fondation d'un nouveau journal, L'Indicateur, était destinée à propager ces idées.

[modifier] La chute de Duport (août 1792)

Adrien Duport joua encore un rôle déterminant auprès du roi lors du renvoi des ministres girondins, et dans la formation du ministère feuillant, provoquant ainsi la journée du 20 juin 1792, où le peuple envahit les Tuileries et coiffa le roi du bonnet rouge. Il soutint encore l'action de La Fayette le 26 juin. Mais l'invasion de la France provoqua la mobilisation jacobine en juillet et la chute du roi le 10 août marqua l'échec définitif de sa politique.

Avec le Triumvirat s'est produit le même malentendu qu’avec Mirabeau : Louis XVI, et surtout Marie-Antoinette d'Autriche, ne donnèrent pas leur confiance. Ils se servirent des concours qu’ils rencontrèrent tout en gardant leurs vues, leurs desseins et leurs secrets. Les triumvirs vont à leur tour se compromettre dans l’opinion, épuiser leur influence sur l’Assemblée, sans aucun bénéfice pour la monarchie. Adrien Duport verra alors sa popularité de plus en plus décliner. Il déclara avec courage : « Ce qu’on appelle la Révolution est fait. Il faut maintenant sur tant de ruines amassées, déblayer et reconstruire. Le pays a soif de stabilité. Il ne peut supporter une secousse profonde tous les deux ans. » Et il lance aux députés ce mot prophétique : « Vous êtes sur la route qui conduit à la destruction. » Mais on ne l’entendit pas. L’avenir fut alors barré aux triumvirs.

Le 10 août 1792, Adrien Duport se rendit compte qu’il ne maîtrisait plus le déroulement des événements et préféra fuir Paris pour plus de sécurité. Il quitta ses fonctions de président du tribunal criminel de la Seine et se réfugia alors sur ses terres au château du Bignon, au Bignon (Loiret), achetées le 24 septembre 1789 au marquis de Mirabeau. Il fut décrété d’arrestation sur ordre de la commune de Paris le 28 août 1793 et fut arrêté à Melun le 3 septembre suivant. Il fut libéré le 17 septembre sur l’ordre de Georges Jacques Danton, ministre de la Justice, suite à l'intervention et l’insistance de Théodore de Lameth, qui lui fit également sauver Talleyrand et Charles Malo de Lameth.

Comprenant que cette bienveillance ne se reproduirait pas, Adrien Duport décida de s’exiler en Angleterre puis en Suisse, laissant sa femme, Henriette Amable Élisabeth de Tubeuf de Blanzat, et ses trois enfants au Bignon, avant de revenir quelque temps en France après l’exécution de Robespierre. Les frères Lameth émigrèrent également, alors qu’Antoine Barnave fut guillotiné le 28 novembre 1793. De nouveau forcé de quitter le territoire national après le 18 fructidor an V, Adrien Duport ne reverra plus jamais la France et mourra de la tuberculose dans la solitude et l’oubli le 6 juillet 1798 à Gais, dans le canton suisse d'Appenzell.

[modifier] Archives et sources

  • Dictionnaire universel, historique, critique et bibliographique (MM. Chaudon et Delandine, Paris, 1810)
  • Dictionnaire historique, ou Histoire abrégée (Abbé F.-X. de Feller, Paris, 1821)
  • Dictionnaire des familles françaises (Gustave Chaix d'Est-Ange, Paris, 1983)
  • Essai sur l'histoire du parti feuillant, Adrien Duport (Georges Michon, Paris, 1924)
Autres langues

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