Athénée
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Athénée, en grec ancien Ἀθήναιος / Athếnaios, né à Naucratis, en Égypte, vers 170 ap. J.-C., mort au IIIe siècle, était un érudit et grammairien grec.
Sommaire |
[modifier] L'auteur
Les seuls éléments que nous connaissons sur Athénée proviennent de son œuvre. Né en Égypte, probablement sous Marc-Aurèle, il aurait fait ses études à Alexandrie où il aurait vécu de 170 à 230. Il se serait ensuite établi à Rome, où il rédige son ouvrage, Δειπνοσοφισταί / Deipnosophistaí, « le banquet des sophistes », allusion aux Propos de table de Plutarque et au Banquet de Platon. Selon ce texte lui-même, Athénée aurait également été l'auteur d'un traité sur les monarques de Syrie ainsi que d'un commentaire de la comédie Les Poissons (aujourd'hui disparue) d'un certain Archippos, contemporain d'Aristophane.
Il meurt probablement après 223 : les Deipnosophistes évoquent la mort d'un certain Ulpien, qui est peut-être le célèbre juriste Ulpien, mort à cette date. Cependant, cela n'est pas sûr : Athénée décrit la mort d'Ulpien comme « heureuse », au sens où elle ne survient pas au terme d'une longue maladie (686c) ; or l'Ulpien historique meurt assassiné. Indice plus sûr, les Deipnosophistes sont utilisés au Ve siècle par le lexicographe Hésychios d'Alexandrie. Enfin, le narrateur de l'œuvre, identifié comme « Athénée », situe son propre récit sous le règne de l'empereur Commode (537f), c'est-à-dire de 181 à 192.
[modifier] Les Deipnosophistes
[modifier] Composition
Les Deipnosophistes sont une série de conversations tenues lors d'un dîner fictif que l'ouvrage place à Rome, au début du IIIe siècle : avant la mort d'un personnage décrit comme « Galien » (soit en 199 pour le Galien historique) et après la mort d'« Ulpien » (cf. ci-dessus). Il comprend quinze livres au cours desquels « Athénée », le narrateur, raconte à un interlocuteur nommé Timocrate les conversations du fameux dîner. Timocrate lui-même ne s'exprime qu'à une seule reprise, au début du livre I, mais « Athénée » s'adresse à lui au début et à la fin de la plupart des quinze livres.
Le livre est essentiellement une collection d'anecdotes et de citations, sous le prétexte d'un banquet donné par le riche P. Livius Larensis, où les nombreux convives, fin lettrés, discutent de sujets variés. Ces convives sont aussi bien des auteurs contemporains que d'illustres morts : ainsi Platon, dans son Tééthète, avait ressuscité Protagoras pour les besoins de l'œuvre. Sont nommés Galien, Ulpien, Masurius Sabinus (l'un des auteurs du Digeste), Zoïle (critique d'Homère), Plutarque, etc. Les auteurs ainsi cités sont parfois à demi-déguisés par Athénée, par précaution : ainsi, Zoïle ne se préoccupe jamais dans l'œuvre de questions homériques, pourtant son seul titre de gloire ; Plutarque est présenté comme un simple grammairien ; Démocrite n'est pas mentionné comme natif d'Abdère, mais de Nicomédie. Réunis autour d'une même table, ces auteurs discutent à coup de citations d'auteurs anciens sur un très grand nombre de sujets :
- livre I : la littérature gastronomique, le vin et la nourriture dans l'œuvre d'Homère, le vin ;
- livres II et III : les hors d'œuvres et le pain ;
- livres IV : l'organisation des repas et la musique ;
- livre V : luxe et ostentation ;
- livre VI : parasites et flatterie ;
- livres VII et VIII : le poisson ;
- livre IX : la viande et la volaille ;
- livre X : la gloutonnerie, le vin ;
- livre XI : les coupes ;
- livre XII : les conventions sociales ;
- livre XIII : l'amour ;
- livre XIV : la musique, les desserts ;
- livre XV : couronnes et parfums.
La compilation d'Athénée est précieuse, car on estime à 1 500 le nombre d'ouvrages cités, dont la grande majorité sont aujourd'hui perdus, pour environ 700 auteurs représentés. La plupart des citations sont attribuées à un auteur et référencées. Les citations longues ont probablement été relevées par Athénée directement, au cours de ses lectures : on ne connaît aucune compilation de citations de ce type. En revanche, les citations plus courtes, plus particulièrement celles qui touche à la lexicographie et à la grammaire, sont probablement issues de sources de seconde main.
Les Deipnosophistes est un outil précieux sur la littérature et la vie en Grèce dans l'Antiquité. Il est également une bonne source sur les banquets grecs (symposiums), les plats qui y étaient servis, et les spectacles qui y étaient proposés. C'est donc aussi un véritable traité de gastronomie, avec des informations sur les coutumes de table, les aliments, les menus, la vaisselle, le vin. Les digressions auxquelles se livrent les convives font passer sous nos yeux toute la société antique.
[modifier] La tradition manuscrite
L'œuvre d'Athénée nous est parvenue par l'intermédiaire d'un manuscrit byzantin, copié par Jean le Calligraphe à Constantinople au Xe siècle, apporté en Italie par Jean Aurispa au XVe siècle et acheté par le cardinal Bessarion. Conservé à la Bibliothèque Saint-Marc de Venise, il est connu sous le nom de Marcianus Venetus 447 ou de Marcianus A. À ce codex composé de 370 folios manquent les deux premiers livres, le début du troisième, une partie du livre XV et quelques passages dispersés.
Ces carences sont palliées par un résumé byzantin tardif que la tradition nomme l'Épitomé. Il se concentre sur les citations contenues dans l'ouvrage, en laissant de côté la partie conversationnelle et en omettant souvent les références. Malgré tout, les philologues s'accordent à le reconnaître plus fidèle à l'original que le Marcianus A. Il est difficile à dater : le seul indice positif est qu'Eustathe de Thessalonique l'emploie largement quand il enseigne à l'école patriarcale de Constantinople, soit avant 1175. Enfin, le texte est complété par le Lexique d'Hésychios ou encore la Souda, encyclopédie byzantine de la fin du XIe siècle : ils ont préservé des versions différentes de la tradition manuscrite directe, et parfois préférables.
Enfin, il faut noter que le Marcianus A comporte une série de notes témoignant de Deipnosophistes en trente livres, au lieu des quinze connus actuellement, ce qui explique certaines incohérences dans le texte, et notamment dans la présentation des convives. Ce découpage est confirmé par des exemplaires du Lexique d'Hésychios qui attestent de la connaissance de l'œuvre en trente livres.
[modifier] Éditions postérieures
L'édition princeps d'Athénée date d'août 1514. Elle est due à Alde Manuce et se fonde sur un manuscrit établi par le Crétois Marco Musuro. Elle ne se rattache qu'indirectement au Venetus A, alors inaccessible. Vite épuisée, l'Aldine est suivie deux ans plus tard par l'édition de Christian Herlin, imprimée par Jean Walder de Bâle. En 1556, Andrea Arrivabene imprime à Venise la première traduction en latin d'Athénée, œuvre de Natalis Comes sur la base de l'Aldine. De médiocre qualité, elle est surpassée en 1583 par la traduction du médecin Jacques Daléchamp, fondée sur l'édition de Bâle. C'est cette dernière que choisit l'humaniste protestant Isaac Casaubon pour la mettre en regard de son édition des Deipnosophistes, publiée en 1597. Celle-ci marque une étape importante dans l'histoire de la transmission des œuvres grecques et latines. La pagination de Casaubon reste ainsi utilisée de manière courante depuis le XIXe siècle.
La première traduction d'Athénée en française est due à l'abbé Michel de Marolles, en 1680. De niveau médiocre, elle est suivie en 1789-1791 par celle de Jean Baptiste Lefebvre de Villebrune, qui se distingue par son acrimonie contre Casaubon. Au XIXe siècle, le strasbourgeois Jean Schweighæuser, les allemands Wilhelm Dindorf et Auguste Meineke marquent, par leurs éditions, l'histoire du texte d'Athénée. C'est enfin Georg Kaibel qui livre, en 1887-1890, l'édition considérée aujourd'hui comme celle de référence.
[modifier] Bibliographie
- (en) Barry Baldwin, "Athenaeus and his Work", dans Acta Classica 19 (1976) : p. 21-42 ;
- (en) Andrew Dalby, Siren Feasts. A History of Food and Gastronomy in Greece, Routledge, Londres, 1996 (ISBN 0-415-15657-2), p. 168-179 ;
- Alexandre Marie Desrousseaux, introduction à Athénée. Les Deipnosophistes, Belles Lettres, collection des Universités de France, Paris, 2002 (1re édition 1956) (ISBN 2-251-00068-2), p. I-LXVII ;
- (de) Georg Kaibel :
- De Athenaei Epitome, Rostock, 1883,
- Athenaei Naucratitæ Deipnosophistarum libros XV, 3 vols., Leipzig, 1887-1890.