Bernard Faÿ
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Bernard Faÿ, né le 3 avril 1893, est un universitaire et administrateur français, condamné à l'emprisonnement à perpétuité en 1945 pour collaboration avec l'occupant. Gracié en 1959, il meurt le 5 décembre 1978.
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[modifier] L’universitaire
Il soutient en 1924 une thèse de doctorat ès lettres sur L'Esprit révolutionnaire en France et aux États-Unis à la fin du XVIIIe siècle (thèse complémentaire : Bibliographie critique des ouvrages français relatifs aux États-Unis (1770-1800)). Il est nommé chargé de cours à la faculté des lettres de Clermont-Ferrand avant de devenir professeur dans plusieurs universités. Il est un spécialiste du XVIIIe siècle, particulièrement des rapports entre la France et les États-Unis, ce qui l’amène à bien connaître la littérature américaine de son époque. Il traduit ainsi plusieurs romans de Gertrude Stein.
Cette brillante carrière universitaire culmine avec sa nomination comme professeur de civilisation américaine au Collège de France, à moins de 40 ans (1932-1944). Durant les années 1930, il collabore régulièrement au journal d’extrême droite La Gerbe.
[modifier] À la Bibliothèque nationale
Bernard Faÿ est nommé administrateur général de la Bibliothèque nationale le 6 août 1940 à la suite de la destitution de Julien Cain, qui est Juif, par Vichy.
Il applique donc au sein de la Bibliothèque nationale les règlements édictés par le maréchal Pétain : saisie des bibliothèques des Français déchus de leur nationalité (Juifs, communistes, etc.), refus des lecteurs juifs, suspension des personnels juifs, etc.
Mais Bernard Faÿ n’a pas été nommé par hasard et il ne considère pas son poste comme une sinécure. Il veut donner à la BN une véritable place dans le monde nouveau qu’il appelle de ses vœux. Il remet pour cela au maréchal Pétain, en 1943, un rapport où est explicité le rôle de la Bibliothèque nationale dans l’effort de redressement national voulu par Vichy. La Bibliothèque manquant de personnel en ces années de guerre, il embauche des vacataires qui permettent de faire tourner les services malgré les difficultés matérielles. Enfin, il s’astreint à un travail de réorganisation administrative, créant notamment le département de la Musique (1942).
Pendant ce temps, Julien Cain, l'ancien « patron » de la Bibliothèque nationale, vit dans la clandestinité, avant d'être arrêté par les Allemands et déporté à Buchenwald.
Bernard Faÿ joue un rôle très important dans la politique anti-maçonnique de Vichy. Ce monarchiste est en effet persuadé de l’existence d’un complot mené par la franc-maçonnerie, qui serait à l’origine de la Révolution française et influerait encore négativement sur la France, causant son abaissement tant sur le plan intérieur qu’extérieur. Il représente le courant contre-révolutionnaire qui se reconnaît dans le discours passéiste et rural de Vichy, qui s'appuie sur un prétendu déclin de la France. Il est nommé chef du Service des sociétés secrètes (SSS), chargé de classer les archives saisies dans les loges et de les utiliser pour des études et pour la propagande anti-maçonnique. Selon la propagande du régime de Vichy, les francs-maçons seraient l'une des causes de la défaite de 1940. D'après l'Action française, ils auraient participé à un « complot » réunissant « le juif, le protestant, le maçon et le métèque ».
Pour lutter contre ce « parasite monstrueux », Bernard Faÿ publie pendant quatre ans une revue, Les Documents maçonniques, qui cherche à démontrer la désastreuse influence de la franc-maçonnerie sur la France, il fait tourner un film, organise des conférences et une grande exposition au Petit Palais en octobre-novembre 1941. Il entreprend surtout de répertorier tous les anciens francs-maçons dans un gigantesque fichier de près de 60 000 noms, qui sert notamment à exclure les anciens maçons de la fonction publique. À la Libération, le bilan humain s'élève à environ un millier de francs-maçons français assassinés par le régime de Vichy, soit exécutés, soit morts en déportation.
[modifier] Ses dernières années
Il est arrêté le 19 août 1944. Comme de nombreux collaborateurs, il prétend n’avoir fait qu’obéir aux ordres qui lui étaient donnés et avoir même aidé à se cacher les employés juifs de la BN. Le tribunal le condamne aux travaux forcés à perpétuité, à la confiscation de ses biens et à l'indignité nationale. Gertrude Stein et Alice B. Toklas interviennent vainement en sa faveur, convaincues qu'il leur a sauvé la vie pendant l'Occupation. Après la mort de Gertrude Stein, en juillet 1946, Alice B. Toklas continuera d'intercéder pour obtenir la grâce de Bernard Faÿ. La réalité du rôle de Bernard Faÿ – ou du moins son importance exacte – dans la relative protection dont elles ont bénéficié est actuellement remise en cause par les spécialistes de Gertrude Stein, notamment Edward Burns et Janet Malcolm. Dans plusieurs articles du New Yorker, tout comme dans un ouvrage récent (Two Lives: Gertrude and Alice, Yale University Press, 2007), Janet Malcolm examine les faits.
Alors qu’il est soigné à l’hôpital d’Angers en 1951, Bernard Faÿ parvient à s’échapper et à quitter la France pour trouver refuge en Suisse. Il est gracié en 1959 et meurt en 1978, sans avoir cessé de publier des études littéraires et historiques.
[modifier] Œuvres
[modifier] Histoire et histoire littéraire
- Bibliographie critique des ouvrages français relatifs aux États-Unis (1770-1800), 1925
- L'esprit révolutionnaire en France et aux États-Unis à la fin du XVIIIe siècle, 1925
- Panorama de la littérature contemporaine, 1925
- L'Empire américain et sa démocratie en 1926, 1926
- Faites vos jeux, 1927
- Vue cavalière de la littérature américaine contemporaine, 1928
- Benjamin Franklin, bourgeois d'Amérique, 1929
- Le Comte Arthur de Gobineau et la Grèce, 1930
- Essai sur la poésie, 1930
- George Washington, gentilhomme, 1932
- La Gloire du Comte Arthur de Gobineau, 1932
- La Franc-maçonnerie et la révolution intellectuelle du XVIIIe siècle, 1935
- Les forces de l'Espagne : voyage à Salamanque, 1937
- Civilisation américaine, 1939
- L'Homme, mesure de l'histoire. La recherche du temps, 1939
- L'Agonie de l'Empereur (récit historique), 1943
- De la prison de ce monde, journal, prières et pensées (1944-1952), 1952
- La grande révolution, 1959
- L'École de l'imprécation ou Les Prophètes catholiques du dernier siècle (1850-1950), 1961
- Louis XVI ou la fin d'un monde, 1961
- L'aventure coloniale, 1962
- Les Précieux, 1966
- La Guerre des trois fous, Hitler, Staline, Roosevelt, 1969
- L'Église de Judas ?, 1970
- Beaumarchais ou les Fredaines de Figaro, 1970
- Jean-Jacques Rousseau ou le Rêve de la vie, 1974
- Rivarol et la Révolution, 1978
[modifier] Traductions
- Cotraduction et préface de Gertrude Stein, Américains d'Amérique, histoire d'une famille américaine, 1933
- Traduction de Gertrude Stein, Autobiographie d'Alice Toklas, 1934
[modifier] Extraits des Documents maçonniques
« Rien d'étonnant donc à voir le déclin de Louis XV correspondre à I'essor de la maçonnerie, et la mort du roi coïncider avec son triomphe... La maçonnerie tenait toutes les avenues de la cour, toutes les antichambres des ministres, l’Académie, la Censure, le Mercure de France, la Gazette de France, le ministère des Affaires étrangères, les cultes même… »
« Peu importait le régime, peu importait le souverain, pourvu qu'elle put s'incruster dans les bureaux et dans les antichambres ; ainsi la franc-maçonnerie se jugeait sûre de maintenir son influence [...]. Société secrète, elle fuit la lutte en plein jour, à visage découvert, homme contre homme. Elle préfère la pénombre des corridors ministériels et la poussière des dossiers derrière laquelle I'intervention d'un scribe inconnu peut d'un trait d'écriture changer une décision ministérielle et disposer d'une place… » (B. Fay, Documents maçonniques, août 1943, n° 11)
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