Bungo (langage)

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Le bungo (文語) est le nom donné à la langue classique et littéraire, japonaise, en opposition au kôgo, langue d'écriture actuelle inspirée du japonais parlé. Bungo et kôgo diffèrent notamment sur le plan grammaticale. Les différences lexicales ne sont pas en reste non plus : nombre de mots sont tombés en désuétude, d'autres ont changé de sens. Les emprunts au Chinois sont aussi plus récurrent en Japonais moderne (le vocabulaire civilisationnel est très sinisé aujourd'hui). Malgré le fossé entre langue écrite et langue orale que son existence induisait, lebungo fut la principale langue d'écriture au Japon jusqu'à la fin des années 40. Aujourd'hui encore, le bungo est présent dans de nombreuses tournures du japonais moderne. Il ne jouit certes plus du prestige qu'il connaissait jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale, mais il reste toujours une matière obligatoire à l'école pour tous les élèves japonais. La place du bungo de nos jours au Japon n'est en effet aucunement comparable, par exemple, à celle de l'ancien français ou du roman en France. Car si l'on peut lire sans trop de grandes difficultés un texte du XVIème écrit en vieux françois, il n'en va pas de même pour un texte de la même époque au Japon. La langue de cette époque est en effet trop différente du moderne kôgo.

Ceci s'explique principalement pour deux raisons. En premier lieu, alors que la plupart des langues occidentales se sont modifiées à l'écrit au fur et à mesure qu'elle se transformaient à l'oral - non sans un léger retard constant il est vrai -, le bungo est resté dans sa structure à peu près identique au cours des siècles. Il ne faut pas entendre par là que le bungo serait resté une langue figée tout au long de son histoire, mais qu'il s'appuyait sur un modèle classique bien défini : la langue telle qu'elle était parlée à l'époque Heian vers le X-XIe siècle. Le bungo a certes évolué au fil du temps mais il ne s'est jamais départi de ses origines antiques. De là, le bungo constitue une langue à part entière, avec ses propres modalités.

L'épineux problème pour tous Japonais s'intéressant un tant soit peu à la littérature de son pays et désirant la lire dans le texte est donc d'acquérir un minimum de bases en bungo. Sans cela, c'est la quasi-totalité du champ littéraire japonais qui lui échappe (en fait, toute la littérature dite classique, qui va du VIIIe à la fin du XIXe siècle, à laquelle s'ajoute de multiples écrits jusque l'après-guerre). Alors que le kôgo a une histoire particulièrement récente (il naît dans les années 1880), le bungo occupe une place de choix jusqu'au début des années 1950. Impossible donc, pour tous japonais cultivé qui se respecte, d'en faire l'économie. On peut en un sens rapprocher la place que tient le bungo au Japon de celle que tenait jadis le latin en occident - bien que cette comparaison à propos de la langue latine tiendrait mieux la route en ce qui concerne le kanbun (sorte de chinois japonisé utilisé autrefois par les élites japonaises). Une analogie idéale ne peut être sur ce plan qu'uchronique : imaginons par exemple Emile Zola écrivant dans une langue proche de celle que parlait Hugues Capet. Cette dernière, même si elle était morte aujourd'hui, occuperait alors en France une place de première importance dans le domaine culturel. C'est le cas du bungo au Japon.

De nos jours, seul le kôgo est utilisé, dans la langue orale comme dans la littérature, mais grammaire et vocabulaire du bungo sont parfois mobilisés pour donner un effet de style (ou pour corriger une ambiguïté grammaticale que le kôgô, en général moins riche que son illustre ancêtre, ne parviendrait pas à éviter). Les ressources du bungo sont en effet souvent appréciables, même chez les écrivains modernes, pour rendre des impressions difficilement exprimables dans la langue moderne (moins fine d'un point de vue grammaticale, plus "désenchantée"). On compte en outre de nombreuses expressions figées issues du bungo et passées telles quelles dans la langues moderne. Par exemple ii ("bon, bien") qui devient parfois yoshi! en exclamative.

Remarque : On distingue au Japon les dichotomies bungo/kôgo (文語/口語) et kogo/gengo (古語/現語). La première ("langue écrite"/"langue parlée") concerne surtout les différences grammaticales entre le japonais classique et le japonais moderne. La seconde ("langue ancienne"/"langue moderne") a plutôt trait aux évolutions lexicales. On aura donc des "grammaires de bungo" (文語文法, bungo bunpô) et des "dictionnaires de kogo" (古語辞書, kogo jisho), mais l'inverse n'est pas vrai : on n'aura jamais des dictionnaires de bungo ou des grammaires de kogo.

[modifier] Bibliographie

  • Manuel de japonais classique : Intiation au bungo, Jacqueline Pigeot, Editions Langues et Mondes L'Asiathèque, Collection Connaître le Japon, 178 p. (2004) ISBN 2-915255-14-8
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