Charles Lassailly

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Charles Lassailly, né le 3 septembre 1806 au 16 de la rue Royale, à Orléans, mort le 14 juillet 1843 à Paris[1],[2], est un écrivain français. Classé généralement parmi les « petits romantiques », comme Philothée O'Neddy ou Xavier Forneret, il est surtout connu comme auteur des Roueries de Trialph.

Sommaire

[modifier] Biographie

Fils de courtier, il devient, au sortir de l'école, commis dans la pharmacie de Jacques Montagnier, dont la boutique se trouve 8 place du Grand-Marché. Après avoir entrevu Hugo et Nodier de passage à Orléans en 1825, il décide de quitter la pharmacie et part, à vingt ans, tenter sa chance à Paris, où il connaît la vie de bohème. Il publie ses premiers poèmes dans La Psychée puis dans l'Amanach des Muses.

Se distinguant par son dandysme, il rencontre Victor Cousin, Alexandre Dumas, Alfred de Vigny, est admis aux samedis de Gavarni, où il rencontre Balzac en 1834, et au salon de la duchesse d'Abrantès. Il devient journaliste, est publié dans l'Indépendant, l'Artiste, assure la rubrique des spectacles à l'Intransigeant, devient secrétaire à la Revue des Deux Mondes, donne des recensions bibliographiques au Messager de 1838 à 1840[3]. Toutefois, le caractère épisodique de ces contributions ne lui permet pas de vivre réellement de sa plume.

Il appartient au groupe des Bousingos, groupe de jeunes romantiques excentriques des années 1830, parmi lesquels on trouve Petrus Borel, Alphonse Esquiros, Théophile Gautier ou Gérard de Nerval. Avec ses camarades, il participe à la bataille d'Hernani (25 février 1830), où, vêtu d'un gilet vert tendre[4], il se distingue par ses outrances[5], et à la première de Marion Delorme (11 août 1831)[6].

En 1836, il rencontre lors d'un bal la comtesse de Magnencourt[7], qui lui inspire une passion muette[8]. Cette idylle aurait, selon certains, inspiré l'intrigue de Ruy Blas à Hugo[9]. De même, il passe pour avoir inspiré le personnage de Michel Chrestien à Balzac[10].

À plusieurs reprises, il tente de fonder ses propres revues, toutes au destin éphémère, qu'il s'agisse d’Ariel, journal du monde élégant, créé avec Théophile Gautier et à laquelle contribuèrent Vigny et Musset, mais qui ne parut que du 2 mars au 7 mai 1836[11],[12], ou de la Revue critique en janvier 1840 (ce mensuel n'eut que quatre numéros).

En 1839, il est employé comme secrétaire par Balzac, alors installé à la Maison des Jardies, pour l'aider dans la rédaction de l'École des ménages et collabore à Mercadet, ou Le Faiseur[13], puis il passe quelques jours au service de Villemain[14], alors ministre de l'Instruction publique.

Atteint de folie au début de mai 1840, alors qu'il vit dans la misère, il obtient, grâce à l'intervention de Vigny, un secours du ministère de l'Intérieur et, le 12 mai 1840, Lamartine organise une quête à la Chambre des députés en sa faveur[15]. Il est admis dans la maison de santé du docteur Blanche, au n° 4 de la rue Traînée. Puis, en septembre, peut-être à l'initiative de Vigny, il devient pensionnaire du docteur Brière de Boismont, au 21 rue Neuve Sainte-Geneviève, près du Panthéon, où il demeure, hormis quelques absences, jusqu'à sa mort, en 1843, à l'âge de 36 ans[16].

Républicain, il a facilité la formation de la légende napoléonienne avec ses poésies qui ont remporté un succès populaire. Surtout, il est l'auteur d'un roman où le héros reflète la tendance suicidaire de la génération romantique.

[modifier] Œuvres

  • Poésies sur la mort du fils de Bonaparte, 1832
  • Les Roueries de Trialph, notre contemporain avant son suicide, 1833

Auteur de quelques articles dans la Revue des Deux Mondes, il a publié en feuilleton plusieurs nouvelles dans le Siècle[17] :

  • Le Dernier des Pétrarque
  • Les Gouttes de digitale
  • Grégorio Banchi
  • Un secrétaire du 18e siècle, ou le Griffon de la vicomtesse de Solanges
  • La Trahison d'une fleur

Il a également collaboré au Livre de beauté, souvenirs historiques[18], à la Morale en action du christianisme[19], et publié l’Insouciance dans Le Dalhia, le Cadavre en 1834 dans la revue Les Étoiles, la nouvelle l'Homme de trente ans en 1837 dans la Chronique de Paris.


Le Camélia[20]
Chaque fleur dit un mot du livre de nature :
La rose est à l'amour et fête la beauté,
La violette exhale une âme aimable et pure,
Et le lis resplendit de sa simplicité.
Mais le Camélia, monstre de la culture,
Rose sans ambroisie et lis sans majesté,
Semble s'épanouir aux saisons de froidure
Pour les ennuis coquets de la virginité.
Cependant, au rebord des loges de théâtre,
J'aime à voir, évasant leurs pétales d'albâtre,
Couronne de pudeur, de blancs camélias
Parmi les cheveux noirs des belles jeunes femmes
Qui savent inspirer un amour pur aux âmes,
Comme les marbres grecs du sculpteur Phidias.


La Pâquerette[20]
Pâquerettes des prés, vos couleurs assorties
Ne brillent pas toujours pour égayer les yeux ;
Elles disent encor les plus chers de nos vœux
En un poème où l'homme apprend ses sympathies :
Vos étamines d'or par de l'argent serties
Révèlent les trésors dont il fera ses dieux ;
Et vos filets, où coule un sang mystérieux,
Ce que coûte un succès en douleurs ressenties !
Est-ce pour être éclos le jour où du tombeau
Jésus, ressuscité sur un monde plus beau,
Fit pleuvoir des vertus en secouant ses ailes,
Que l'automne revoit vos courts pétales blancs
Parlant à nos regards de plaisirs infidèles,
Ou pour nous rappeler la fleur de nos vingt ans ?


Le Cadavre (1834)
(extrait)[21]
Je suis du Peuple, moi;
Je suis de la canaille
Et comme Job le gueux, je chante sur la paille.

[modifier] Notes et références

  1. Eldon Kaye, Charles Lassailly (1806-1843), p. 135.
  2. Charles Louis Lesur, Ulysse Tencé, Victor Rosenwald, Hippolyte Desprez, Armand Fouquier, A. Thoisnier Desplaces, Annuaire historique universel, ou Histoire politique pour 1843, Paris, A. Thoisnier Desplaces, 1844, p. 403 : « ? [jour du décès inconnu] Charles Lassailly, homme de lettres, mort à Paris ».
  3. Michel Brix, Nerval journaliste (1826-1851), problématique, méthodes d'attribution, Presses universitaires de Namur, 1986, 616 pages, p. 205-206 (ISBN 2870371535).
  4. Eldon Kaye, Charles Lassailly (1806-1843), p. 20-21.
  5. Voir Alexandre Dumas, Mes Mémoires, Paris, Michel Lévy frères, 1863, p. 17, sur l'échange que Lassailly eut avec l'académicien François-Auguste Parseval-Grandmaison au sujet d'une réplique, lors de la représentation.
  6. Correspondance de Balzac, Paris, Garnier, 1969, tome 3, p. 828 (ISBN 2737001935).
  7. Marie-Elisabeth-Claudine Destutt de Tracy, fille unique de Victor Destutt de Tracy et de Sarah Newton, nièce du physicien, née à Paris le 30 juin 1817, mariée le 27 octobre 1835 à Flavien-Césaire-Emmanuel Henrion de Staal de Magnencourt.
  8. Eldon Kaye, Charles Lassailly (1806-1843), p. 121.
  9. Maurice Tourneux, Revue d'histoire littéraire de la France, Paris, Armand Colin, 1894, p. 235 : « Ruy Blas est-il... Charles Lassailly? Cette idée est suggérée à M. Lebois par l'amour muet de Lassailly pour la comtesse de Magnencourt, tel que le rapporte la comtesse Dash », pseudonyme d'Anne-Gabrielle de Cisternes de Coutiras, vicomtesse de Poilloüe de Saint-Mars (1804-1872).
  10. Eldon Kaye, Charles Lassailly (1806-1843), p. 88. On trouve ce personnage dans les Illusions perdues.
  11. Marcel Voisin, « La Pensée de Théophile Gautier », in Freeman G. Henry (dir.), Relire Théophile Gautier, le plaisir du texte, Rodopi, 1998, 263 pages, p. 89, note 46 (ISBN 904200682X)
  12. Louise Bulkley Dillingham, The Creative Imagination of Théophile Gautier : A Study in Literary Psychology, Bryn Mawr College, 1927, 356 pages, p. 343. Lassailly est « chef de rédaction ».
  13. Edmond Texier, Critiques et récits littéraires, Paris, Michel Lévy frères, 1853, 342 pages, p. 108.
  14. Henri Lardanchet, Les Enfants perdus du romantisme, 1903, p. 184.
  15. Eldon Kaye, Charles Lassailly (1806-1843), p. 88 et 128.
  16. Eldon Kaye, Charles Lassailly (1806-1843), p. 131-132.
  17. Charles Monselet, Les galanteries du XVIIIe siècle, « Lassailly », p. 60.
  18. Le livre de beauté : souvenirs historiques, par Mme Tastu, MM. Bouilly, Gustave Drouineau (« Agnès Sorel »), Henry Martin (« Melle de Montpensier »), Jean-Pierre-François Lesguillon (« Mme de La Vallière »), Étienne-Casimir-Hippolyte Cordellier-Delanoue (« Marguerite de Montmorency »), Prosper Poitevin (« Mme de La Fayette » et « Mme de Montespan »), Petrus Borel (« Anne de Bretagne »), Eugène Garay de Monglave (« Marguerite de Valois »), Philippe Lavergne (« Anne de Beaujeu »), Lassailly et Étienne Léon de Lamothe-Langon (« La Déesse de Fontanges ») ; avec une préface de Charles Nodier, Paris, L. Janet, 1834, XV-239 p.
  19. Morale en action du christianisme. Journal des beaux traits inspirés par la religion, où les faits viennent seuls démontrer la précieuse influence de la foi sur la conduite des hommes et sur le bonheur de la société, mensuel dirigé par A. Loyau de Lacy, 1835.
  20. ab Ce sonnet est paru dans les Illusions perdues de Balzac (1837). Voir la Correspondance de Balzac, Paris, Garnier, 1969, tome 3, p. 600-601.
  21. Cité par Pierre Citron, La Poésie de Paris dans la littérature française, tome 1, p. 368.

[modifier] Bibliographie

Ouvrage de référence
  • Eldon Kaye, Charles Lassailly (1806-1843), E. Droz, 1962, 145 p.
Passages ou notices sur Lassailly
  • Fernand Chaffiol-Debillemont, Petite suite excentrique, Paris, Mercure de France, 1952, 199 p., « Charles Lassailly, excentrique sentimental », p. 26-61.
  • Francis Dumont, Les petits romantiques français, Cahiers du Sud, 1949, 300 p.
  • Henri Lardanchet, Les Enfants perdus du romantisme, Paris, Perrin, 1905, 290 p.
  • Jules Marsan, Bohème romantique : Aloysius Bertrand, Charles Lassailly, Roger de Beauvoir, Marceline Desbordes-Valmore, Toulouse, Éditions des Cahiers Libres, 1929, 140 p.
  • Charles Monselet,
    • « Lassailly », in Statues et statuettes contemporaines, Paris, D. Giraud & J. Dagneau, 1852, XVIII-226 pages, p. 77-100.
    • « Lassailly », in Les galanteries du XVIIIe siècle, Paris, Michel Lévy frères, 1862, 312 pages, p. 29-60.

[modifier] Liens externes



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