Contre-insurrection

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La guerre subversive, aussi appelée guerre révolutionnaire, guerre contre-révolutionnaire ou guerre contre-insurrectionnelle, est une doctrine militaire et une pratique, fondée sur l'utilisation du renseignement (y compris par le biais de la torture), de la guerre psychologique, du quadrillage, et des patrouilles mobiles, dénommées escadrons de la mort. Il vise à lutter contre une insurrection, accordant pour cela à l'armée des pouvoirs et des missions de police, le plus souvent en-dehors de tout cadre judiciaire (bien que certains éléments puissent être codifiés, et que les militaires appellent parfois de leurs voeux leur légalisation, telle qu'effectuée, par exemple, par l'administration Bush récemment, dans le cadre de la dite guerre contre le terrorisme [1].

Sommaire

[modifier] Guerre contre-révolutionnaire ou contre-insurrection?

L'armée française, qui la première a théorisé cette doctrine lors de la guerre d'Algérie, l'appelait alors « guerre contre-révolutionnaire », en référence à la guérilla théorisée par Mao Zedong, pour qui le guérrillero devait vivre comme un « poisson dans l'eau ». Par la suite, les Américains, aussi bien des Etats-Unis que d'Amérique latine, ont préféré parler de contre-insurrection ou de guerre contre-insurrectionnelle.

Ainsi, dès les années 1950, certains militaires brésiliens supposent l'existence d'une « guerre révolutionnaire » communiste en préparation au Brésil. Néanmoins, bien que les auteurs français dont ils s'inspirent (Roger Trinquier, Charles Lacheroy, Jacques Hogard, etc.) emploient cette expression, eux-mêmes préfèrent employer l'expression non pas de « guerre contre-révolutionnaire », mais de « guerre contre-insurrectionnelle » parce que, selon les mots du lieutenant-colonel Carlos de Meira Mattos, qui sera l’un des personnages importants de la dictature militaire après le coup d'Etat de 1964:

« si nous laissons aux adversaires le nom de révolutionnaire nous nous prêtons à nous-mêmes la désignation de contre-révolutionnaires et ainsi, dialectiquement, nous commençons à perdre avant de combattre [2] »

[modifier] Genèse de la théorie

La guerre subversive désigne à l'origine la Première Guerre d'Indochine d'indépendance du Viêt Nam, opposant les forces militaires françaises aux forces vietnamiennes. Malgré la supériorité en nombre des premiers et leur puissance industrielle et militaire, les derniers remportèrent la victoire grâce à un soutien actif de la population civile. C'est le modèle planétaire et le prototype de la guerre psychologique. L'état-major des forces françaises, sous l'action du colonel Lacheroy et après lecture du Petit Livre rouge de Mao Zedong, énonça le concept de guerre subversive.

[modifier] Diffusion de la doctrine

La France apparait innovante et propose une solution pour lutter contre la diffusion du communisme. Très vite, la théorie est enseignée aux officiers des forces militaires sud-américaines à l'ENM de Paris. De nombreux attachés diplomatiques, pour la plupart officiers français ayant participé à la guerre d'Algérie, sont envoyés dans les pays de l'Amérique latine former les troupes contingentes.

Le succès des Français dans ce sous-continent suscite très vite l'intérêt des États-Unis, qui reçoivent peu après nombre d'attachés militaires, dont le général Aussaresses, à l'École Militaire des Amériques (School of Americas, SOA) au Panama. Le passage à la pratique est réalisé dans un premier temps sur des prisonniers vivants de droit commun incarcérés au Panama [réf. nécessaire]. Aussaresses travaille ensuite au Centre d'instruction de la guerre dans la jungle de Manaus (Brésil)[3], créé en 1964 par le maréchal Castelo Branco, qui a pris le pouvoir la même année par un coup d'Etat renversant Joao Goulart. De nombreux officiers latino-américains, notamment chiliens (dont des membres de la DINA, la police politique de Pinochet), argentins, ou uruguayens, se forment à l'école de Manaus [3].

[modifier] Usage à grande échelle

Les nombreux coups d'états en Amérique Latine, notamment au Brésil (1964), en Argentine, au Chili (1973), en Uruguay et au Paraguay donnèrent l'occasion aux officiers des juntes au pouvoir de pratiquer à une grande échelle la doctrine de la guerre subversive, appelée par les militaires « guerre sale ». Pendant l'opération Condor, la chasse au communisme conduisit à une intense campagne d'épuration civile, et à de nombreuses dispartions toujours irrésolues. Si les escadrons de la mort pratiquaient ces actes en public dans les stades et les rues au Chili, les opérations d'épurations furent réalisées dans le plus grand secret en Argentine.

La France est alors en proie à la terreur de l'OAS. La plupart des lieutenants de cette formation para-militaire composée d'ex-officiers de la guerre d'Algérie sont expatriés dans les dictatures sud-américaines pour y accélérer la diffusion de la doctrine de la guerre subversive, sous couvert d'une totale immunité. Ces opérations, avec l'entière approbation des gouvernements français de l'époque et la participation de la Direction de la surveillance du territoire (DST) et de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) [réf. nécessaire].

L'application de cette doctrine provoqua plusieurs milliers de morts parmi les populations d'Amérique latine et centrale, ainsi qu'en Algérie et dans d'autres pays.

[modifier] Principes de la guerre subversive

La doctrine de la guerre subversive réside sur le renseignement : il s'agit de saper les soutiens et les contacts de la population civile aux belligérants en pratiquant d'intenses opérations de répression, d'interrogatoires et de torture pour démanteler les cellules actives ou dormantes. Cette doctrine prévoit également un quadrillage des secteurs sous contrôle en zones et sous-zones confiées à des escouades, ou « escadrons de la mort », des réunions entre état-majors et éléments et une parfaite coordination des services. Enfin cette doctrine prévoit l'élimination discrète de tous les suspects, ayant avoué ou non, afin d'exercer une pression psychologique sur les populations civiles et les contraindre à stopper leur soutien aux belligérants.

[modifier] Principes Généraux

La guerre contre-insurrectionnelle, appelée aussi contre-insurrection, ou contre-guérilla, s'applique dans le cadre d'une guerre civile ou d'une occupation militaire pour lutter contre une insurrection.

Cette théorie militaire regroupe un ensemble de tactiques appliquées par les forces d'opérations spéciales, et destinées à vaincre la guérilla en prenant en compte l'importance du peuple entier dans la participation aux insurrections.

Elle est basée, d'après Roger Trinquier, sur trois principes simples :

  1. Séparer la guérilla de la population qui la soutient.
  2. Occuper les zones d'où la guérilla opérait auparavant, en les rendant dangereuses pour celle-ci et en en retournant la population contre celle-ci.
  3. Coordonner ces actions sur une large étendue géographique et sur une longue durée, afin que la gérilla n'ai plus aucun accès aux centres de population qui la soutiennent.

[modifier] Origine du concept

Gagner les cœurs et les esprits, ce slogan résume l'objectif de ce type d'opérations.

Cette doctrine aurait été théorisée par les américains, sous le nom de contre-insurrection (Counter-insurgency, abrégée en COIN), qui la mettront en oeuvre pendant la guerre du Viêt Nam, sur la base de l'enseignement d'experts français de la contre-guérilla, qui en auraient mis au point les méthodes pendant la Guerre d'Algérie et en particulier la Bataille d'Alger.

Dans le COIN Field Manual de l'armée américaine publié en 2007 , le général David Petraeus définit l'expression de la manière suivante:

" Gagner les coeurs signifie persuader la population que leur meilleur intérêt est servi par les succès des contre-insurgés. Gagner les esprits signifie convaincre la population que la force peut les protéger et que la résistance est inutile.

[modifier] Exemples

[modifier] Méthodes

« à cette époque, la torture est massivement pratiquée à Alger et pas uniquement en vue d’obtenir des renseignements, comme on l’a souvent dit, mais bien pour terroriser la population (...) elle touche désormais tout le monde, « sans distinction de race, ni de sexe ». Autrement dit, des Européens aussi sont torturés par l’armée française. Et l’ampleur prise par la pratique de la torture « pour tous » dans ces mois-là est bel et bien une nouveauté. Des communistes, des progressistes, des membres des centres sociaux ont été arrêtés, détenus au secret, torturés à Alger dans les premiers mois de l’année 1957, par le 1er RCP mais aussi par d’autres.[4] »

A titre d'archétype, lors de la guerre d'Algérie, le préfet Serge Barret signe le 7 janvier 1957, sur ordre du ministre résident Robert Lacoste, une délégation de pouvoir au général Massu, stipulant que « sur le territoire du département d'Alger, la responsabilité du maintien de l'ordre passe, à dater de la publication du présent arrêté, à l'autorité militaire qui exercera les pouvoirs de police normalement impartis à l'autorité civile ». [5]. Massu est chargé par ce décret:

« d'instituer des zones où le séjour est réglementé ou interdit; d'assigner à résidence, surveillée ou non, toute personne dont l'activité se révèle dangereuse pour la sécurité ou l'ordre public; de réglementer les réunions publiques, salles de spectacle, débits de boissons; de prescrire la déclaration, ordonner la remise et procéder à la recherche et à l'enlèvement des armes, munitions et explosifs; d'ordonner et autoriser des perquisitions à domicile de jour et de nuit; de fixer des prestations à imposer, à titre de réparation des dommages causés aux biens publics ou privés, à ceux qui auront apportés une aide quelconque à la rébellion. [5] »

[modifier] Références

  1. Cinquante ans après la bataille d’Alger, le retour de la torture, LDH, 7 janvier 2007
  2. Lieutenant-colonel Carlos de Meira Mattos, dans un journal interne à l'État Major de l'Armée, décembre 1961. Cité par Maud Chirio, Le pouvoir en un mot : les militaires brésiliens et la « révolution » du 31 mars 1964, Nuevo Mundo Mundos Nuevos, Número 7 - 2007, mis en ligne le 12 juin 2007, référence du 25 avril 2008 (fr)
  3. ab Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l'école française [détail des éditions], 2008, p.275 sq.
  4. Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault, « Justice et torture à Alger en 1957 : apports et limites d’un document » in Enseigner la guerre d'Algérie et le Maghreb contemporain - actes de la DESCO Université d'été octobre 2001, pp.44-57
  5. ab Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort, l'école française [détail des éditions], 2008, p.95

[modifier] Bibliographie

[modifier] Filmographie

[modifier] Voir aussi

[modifier] Lien externe

[modifier] Source

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Counter-insurgency ».
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