Destruction créatrice
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La destruction créatrice désigne le processus de disparition de secteurs d'activité conjointement à la création de nouvelles activités économiques. Cette expression est fortement associée à l'économiste Joseph Schumpeter. Dans les économies capitalistes, toute innovation technologique importante entraîne un processus de destruction créatrice.
L’expression fut popularisée par Schumpeter dans son livre Capitalisme, socialisme et démocratie publié en 1942. L’idée remonte au philosophe Friedrich Nietzsche, mais la formulation elle-même a été proposée pour la première fois par l’économiste Werner Sombart. Bien que n'étant pas marxiste, Schumpeter tira une grande partie de sa compréhension de la destruction créatrice des œuvres de Karl Marx.
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[modifier] Généralités
Dans la vision de Schumpeter du capitalisme, l’innovation portée par les entrepreneurs était la force motrice de la croissance économique sur le long terme, même si cela impliquait une destruction de valeur (ou "ouragan perpétuel" selon Schumpeter) pour les entreprises établies qui jouissaient d’une position dominante, voire d’un monopole.
Les entreprises qui ont révolutionné et dominé leur marché jadis – telles que Xerox pour les photocopieurs ou Polaroïd pour les appareils photo instantanés - ont vu leurs marges se réduire et leur domination disparaître avec l’arrivée de rivaux ayant un meilleur design ou des coûts de fabrication très inférieurs. La destruction créatrice peut parfois constituer des monopoles plutôt que les détruire. C’est le cas de Wal-Mart, une entreprise qui, aux États-Unis, domine progressivement le commerce de détail en utilisant de nouvelles techniques de gestion des stocks, de marketing et de gestion des ressources humaines en faisant disparaître de nombreuses entreprises plus anciennes ou plus petites, on parle de « Walmartisation » pour évoquer cette domination.
En fait, l’innovation lorsqu’elle est couronnée de succès conduit à une puissance de marché temporaire, en diminuant les profits et la puissance des entreprises établies, et à terme elle peut les faire disparaître face à la concurrence des nouveaux produits commercialisés par les nouveaux entrants. La destruction créatrice est un concept très puissant car il permet d’expliquer les dynamiques du changement industriel et la transition d’un système compétitif à un monopole et inversement. Il est à l’origine de la théorie de la croissance endogène et de l’évolution économique.
Malheureusement pour certains la destruction créatrice peut être douloureuse. Les ouvriers ayant des compétences rendues obsolètes par les nouvelles technologies perdent leur emploi. Bien qu’elle permette à de plus nombreux travailleurs d’avoir une activité plus créative[réf. nécessaire] et plus productive, elle peut avoir des conséquences désastreuses sur l’emploi à court terme.
De nombreux types d’innovation conduisent à la destruction créatrice :
- les nouveaux marchés ou nouveaux produits
- les nouveaux équipements
- les nouvelles sources de travail et de matières premières
- les nouvelles formes d’organisation et de management
- les nouveaux moyens de transports
- les nouveaux moyens de communication (par exemple internet)
- les nouvelles méthodes de publicité et de marketing
- les nouveaux moyens financiers ou de fraude
- les changements législatif ou de nouvelles façons d’influencer les décideurs politiques.
Schumpeter distinguait à l’origine cinq types d’innovations :
- la fabrication de biens nouveaux
- les nouvelles méthodes de production
- l'ouverture de nouveaux débouchés
- l'utilisation de nouvelles matières premières
- une nouvelle organisation du travail.
[modifier] Citation
« Les agissements de cette nature constituent, au milieu de l’ouragan perpétuel de simples incidents, souvent inévitables, qui encouragent, bien loin de le freiner, le processus d’expansion à long terme. Une telle affirmation n’est pas davantage paradoxale que celle consistant à dire : les automobiles parce qu’elles sont munies de freins roulent plus vite que si elles en étaient dépourvues »
Joseph Schumpeter, 1943 Traduction française 1951 Capitalisme, socialisme et démocratie, Paris, Payot, p.123
« L'impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de consommation, les nouvelles méthodes de production et de transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d'organisation industrielle - tous éléments créés par l'initiative capitaliste. [...] L'histoire de l'équipement productif d'énergie, depuis la roue hydraulique jusqu'à la turbine moderne, ou l'histoire des transports, depuis la diligence jusqu'à l'avion. L'ouverture de nouveaux marchés nationaux ou extérieurs et le développement des organisations productives, depuis l'atelier artisanal et la manufacture jusqu'aux entreprises amalgamées telles que l’U.S. Steel, constituent d'autres exemples du même processus de mutation industrielle - si l'on me passe cette expression biologique - qui révolutionne incessamment de l'intérieur la structure économique, en détruisant continuellement ses éléments vieillis et en créant continuellement des éléments neufs. Ce processus de Destruction Créatrice constitue la donnée fondamentale du capitalisme : c'est en elle que consiste, en dernière analyse, le capitalisme et toute entreprise capitaliste doit, bon gré mal gré, s'y adapter. »
Joseph Schumpeter, 1943 Traduction française 1951 Capitalisme, socialisme et démocratie, Paris, Payot, p.106 et 107
[modifier] Liens externes
[modifier] Bibliographie
- Philippe Aghion and Peter Howitt. Endogenous Growth Theory. MIT Press. 1997.
- Clayton M. Christensen. The Innovator's Dilemma. HarperBusiness. 2001.
- Richard Foster and Sarah Kaplan. Creative Destruction: Why Companies that are Built to Last Underperform the Market - And how to Successfully Transform Them. Currency publisher. 2001.
- J. Stanley Metcalfe and J. S. Metcalfe, Evolutionary Economics and Creative Destruction (Graz Schumpeter Lectures, 1). Routledge. 1998.
- Hugo Reinert and Erik S. Reinert. "Creative Destruction in Economics: Nietzsche, Sombart, Schumpeter." Forthcoming 2005 in J.G. Backhaus and W. Drechsler, eds. Nietzsche, Economy, and Society. Kluwer. 2005.
- James M. Utterback. Mastering the Dynamics of Innovation. Harvard Business School Press. 1996.
- Pierre Cahuc. Le chômage, fatalité ou nécessité ?. (en coll., André Zylberberg) Flammarion. 2004.