Xuanxue
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Xuanxue 玄學, Hsuan Hsue ou néotaoïsme désigne un courant philosophique et culturel chinois à forte coloration taoïste. Apparu au milieu du IIIe siècle au lendemain du démantèlement de l’empire Han, sa composante culturelle, représentée par le qingtan [1] ou « pure conversation » pratiquée essentiellement au sein de l’aristocratie, suivit la cour des Jin dans le sud de la Chine où elle se poursuivit jusqu’au IVe siècle. Son nom, « école du mystère » (xuan), viendrait d’une phrase de Laozi décrivant le dao comme « infiniment mystérieux, porte de toutes les merveilles » [2]. Les philosophes de ce courant ont développé une interprétation métaphysique cohérente du Dao De Jing, du Zhuangzi et du Yijing, dans laquelle le dao, identifié au wu (rien ou vide), est l’origine ontologique de toutes choses. Leurs commentaires et éditions ont vite fait autorité et exercé une influence déterminante sur la façon dont ces ouvrages seront interprétés par les générations ultérieures. Le xuanxue a également influencé l’interprétation de la notion bouddhiste du vide, sunyata.
Les auteurs principaux de ces théories tirées de textes taoïstes, He Yan, Wang Bi et Guo Xiang, ne s’opposaient pas fondamentalement au système confucéen. Certains, comme Wang Bi, cherchaient même à redonner un souffle nouveau au confucianisme en déclin. Néanmoins, une partie du mouvement xuanxue est constitué d’aristocrates ayant perdu toute confiance dans le vieux système de gouvernance et découragés par les exécutions d’opposants d’exprimer leurs idées par écrit. Ils se tournèrent vers le qingtan, sorte de joute oratoire codifiée dont les thèmes, souvent philosophiques, évitaient les sujets brûlants de la politique contemporaine. À cette « pure conversation » était associé un style de vie individualiste, hédoniste et anti-conformiste dont les plus illustres représentants sont les sept sages du bosquet de bambous [3]. Ce courant exerça une grande influence sur l’art et la littérature de l’époque ; les « sept sages » sont devenus un thème pictural populaire.
L’opinion des historiens chinois vis à vis du courant xuanxue fut longtemps négative, en particulier du fait de son association avec le qingtan franchement anti-confucéen, accusé d’avoir causé la perte du pays. Certains néanmoins ont admiré l’originalité de ses représentants et reconnu leur contribution littéraire et philosophique ; cette opinion plus favorable prévaut à l’époque moderne. Le Xuanxue a fortement influencé l'image du taoïsme philosophique dont il est le dernier courant historique.
De nos jours, en dehors du contexte philosophique, le terme xuanxue désigne les techniques de divinations basées sur le Yijing, le yin-yang et les cinq éléments.
Sommaire |
[modifier] Philosophie
Le courant xuanxue apparait durant l’ère Zhengshi [4] (240-249) dont le nom signifie « début de la rectification ». Avec la chute de l’empire, le confucianisme de la fin des Han, système rigide basé sur des textes chargés de gloses compliquées, a perdu sa prééminence (sans toutefois disparaitre). Cao Cao et son fils Cao Pi conservent auprès d’eux des conseillers issus de la classe des lettrés confucéens, mais ne font plus confiance à leur système d’évaluation des talents appelé mingjiao [5], préférant juger par eux-mêmes des capacités des candidats à la fonction publique. L’idéologie officielle de l’ancien empire semble avoir montré ses limites, particulièrement évidentes pendant les périodes d’instabilité politique. Cao Cao s’intéresse fortement aux théories légistes, taoïstes et de l’école des noms. Xun Can [6], ami de l’ancêtre du courant xuanxue, He Yan, et brillant orateur, soutient d’après une phrase des Analectes dans laquelle Zi Gong, disciple de Confucius, se plaint que le maître « n'ait enseigné ni la nature humaine, ni la voie du Ciel », que les six livres canoniques n’ont pas plus de valeur que le son des céréales. Parmi les classiques, seuls les Analectes de Confucius et le Yi Jing retiennent l’attention ; le Dao De Jing et le Zhuangzi reviennent sur le devant de la scène. Des auteurs cherchant une nouvelle lecture du monde, encouragés par des passages des quatre textes évoquant les limites du langage, partent à la recherche de leur sens caché. Ils ne veulent plus être de simples glosateurs mais proposent leur propre interprétation philosophique. Ainsi, le Laozi, le Zhuangzi et les Analectes firent l’objet d’une reprise en main par Wang Bi, Guo Xiang et He Yan respectivement, produisant des versions [7] qui font encore autorité de nos jours. Wang Bi lia de plus le Laozi au Yijing, considérant que le second renfermait la clé du premier.
Selon Wang Bi et sans doute He Yan, le dao est l’origine première et se confond avec le wu (rien ou vide) qui donne naissance à toutes choses existantes you [8] selon la voie de la spontanéité ziran [9]. Il convient donc d’adopter l’attitude de wuwei [10] (absence d’action dirigée) pour que les choses adviennent comme elles le devraient. En pratique, Wang Bi cherche une nouvelle voie pour le confucianisme. Pour lui comme pour He Yan, le dao se confond avec le Ciel, ordonnateur et arbitre suprême des confucéens. Suivre la spontanéité signifie réformer le système du mingjiao en le basant sur le ziran et non l’abandonner ; il suffit de le débarrasser des règles artificielles et sclérosées qui le déforment. Pour le gouvernant, wuwei signifie ne pas laisser ses désirs personnels faire obstacle au choix par ses subordonnés et la population d'administrateurs vertueux et capables, choix que Wang Bi considère comme la tendance sociale naturelle, la voie spontanée. Son modèle de sage est Confucius, selon lui « vide de préférences sans pour autant être inhumain ».
Quelques décennies plus tard, Guo Xiang reprend l’idée du dao équivalent au vide, mais sans donner à ce concept la valeur ontologique qu’il a chez Wang Bi. Pour lui, vide veut dire « inexistant », donc tous les daos particuliers se valent car il n'y a pas de dao premier. Il n’existe pas d’origine à l’univers qui se produit lui-même, les différents êtres et phénomènes apparaissant spontanément selon un mécanisme complexe de répartition de la force universelle appelée taiyi ou qi. Pour lui, la conclusion pratique sur le plan existentiel est que chacun doit se satisfaire de son lot, c’est là sa conception du wuwei. Intéressé par l’aspect spirituel du taoïsme au contraire de He Yan et Wang Bi, il propose aussi de se délivrer du carcan des pensées pour s’unir mystiquement au dao.
En pratique, le wuwei sera trop facilement confondu avec le laisser-faire comme le montre l'exemple du ministre Wang Yan [11] dont le gouvernement calamiteux contribua à discréditer le xuanxue.
[modifier] Autres philosophes
Xi Kang (223-263), l’un des « sept sages du bosquet de bambous », plus connu pour ses talents de poète et de musicien et son attitude non conformiste, est également l’auteur de textes philosophiques taoïstes dont le Yangshenglun [12] (Traité de l’ascèse), ou le Shisilun [13] (Sur l’abandon de l’intérêt égoïste) dans lequel il s’oppose entièrement au respect des conventions sociales et promeut l’attitude spontanée d’un esprit vide de désirs et d ‘ambition.
Xiang Xiu [14], autre membre des sept sages, est considéré par certains comme le véritable rédacteur du commentaire du Zhuangzi, que Guo Xiang aurait seulement achevé.
Zhong Hui [15] (225–264), officier impérial responsable selon la tradition historique de la condamnation à mort de Xi Kang, est également l’auteur d’un commentaire du Dao De Jing et d’un traité sur le caixing [16] (talent et personnalité), autre thème important du xuanxue explorant les caractéristiques et conditions de la sagesse. Ce thème fut développé également par Liu Shao [17] (168-172~240-249) dans Personnages [18]
Pei wei [19] (267-300), alamé par la menace que faisait courir au respect des rites la place centrale donnée au vide par He Yan et Wang Bi, rédigea le Chongyoulun [20] (Traité de la supériorité de l’existant [sur l’inexistant]) dans lequel il prend le contrepied de leur pensée.
[modifier] Pure conversation
Devant l’instabilité politique, les intrigues de cour et la violence des répressions exercées par les empereurs Cao-Wei et Jin à l’égard de leurs opposants, de nombreux jeunes membres de l’aristocratie se détournèrent de la politique et même de l’écriture philosophique, pour consacrer leur talent à des joutes oratoires codifiées appelées qingtan, « pure conversation » ; leurs thèmes évitaient en effet la situation politique, tout d’abord par prudence, puis aussi comme preuve de détachement. Durant les débats, à l’issue desquels les participants s’évaluaient mutuellement, ceux-ci devaient montrer une attitude élégante et un ton détaché et s'abstenir de gestes trop larges ; ils pouvaient néanmoins appuyer leurs dires des mouvements d'un chasse-mouche.
La « pure conversation » continue sous une forme altérée la tradition du qingyi [21] de la fin des Han et du yuedanping [22] des Trois royaumes, discussions sur les mérites et démérites des fonctionnaires et candidats aux postes officiels, alliée au xuantan [23], discussion sur des sujets philosophiques en majorité taoïstes. Ces débats, dont on attribue l’invention à He Yan, ont sans doute contribué à la formation de sa pensée et de celle de Wang Bi.
Malgré la « pureté » de ses thèmes, le qingtan, aux séances duquel les hauts fonctionnaires ne sont pas conviés, excite l’hostilité de certains ministres. La peine de mort fut même proposée en 232 pour ses participants par Dong Zhao [24] ; Cao Rui se contenta de dissoudre les trois principaux cercles existant. Alliant au qingtan un mode de vie hédoniste, individualiste et non conventionnel, ses adeptes furent dès lors qualifiés de « futiles et prétentieux », ce qui n’empêcha pas le mouvement de faire rage dans l’aristocratie jusqu’au début des Dynasties du Nord et du Sud. Le qingtan avait alors perdu sa sincérité contestataire pour devint un mode de vie désordonné à l’excès.
Les figures les plus célèbres sont les membres du groupe des sept sages du bosquet de bambous : Ruan Ji [25], Xi Kang [26], Shan Tao [27], Wang Rong [28], Xiang Xiu [29], Ruan Xian [30] et Liu Ling [31]. Le groupe tirait son nom de l’habitude qu’ils auraient eu de se réunir près d’un bosquet de bambous pour boire, composer des poèmes et jouer de la musique, dans une tenue parfois négligée liée entre autres à l’emploi d’un fortifiant qui procurait une sensation de chaleur, mis à la mode par He Yan de constitution fragile. Après l’exécution de Ruan Ji et de Xi Kang, Shan Tao, Wang Rong et Xiang Xiu s’assagirent quelque peu et se rapprochèrent du pouvoir, alors que Ruan Xian et Liu Ling continuèrent de plus belle. L’attitude des adeptes de cette culture, délibérément sans égard pour les conventions sociales et individualiste, a été accentuée par les historiens qui n’ont pas manqué de broder à leur sujet, rapportant de nombreuses anecdotes bien connues de la petite histoire chinoise. Ainsi les différentes insolences de Xi Kang à l’égard des grands de la cour, son détachement au moment de son exécution où il joue un morceau de luth, la passion sensuelle de Xun Can pour sa femme et sa tentative de la refroidir en couchant son corps contre le sien lorsqu’elle fut prise d’une fièvre fatale etc.
[modifier] Notes
[modifier] Articles connexes
Philosophie chinoise |
Figures : Confucius, Dong Zhongshu, Guo Xiang, Han Fei, Han Yu, He Yan, Lao Zi, Li Ao, Lie Zi, Mencius, Mo Zi, Shang Yang, Shen Dao, Sun Zi, Wang Bi, Wang Fuzhi, Wang Yangming, Xiong Shili, Xun Zi, Yang Xiong, Zhu Xi, Zhuang Zi, Zi Si, Zou Yan. |
Courants : Confucianisme, Huanglao, Légisme, Mohisme, Néoconfucianisme, Néotaoïsme, Taoïsme. |
Textes : classiques chinois. |