Éros

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Dans la mythologie grecque, Éros (en grec ancien Ἔρως / Érōs) est le dieu de l’Amour.

Éros, bobine attique à figures rouges, v. 470-450 av. J.-C., musée du Louvre
Éros, bobine attique à figures rouges, v. 470-450 av. J.-C., musée du Louvre
Éros est une figure fréquemment représentée dans l'antiquité, ici sur un Skyphos attique à figures rouges ( v. 420-410 av. J.-C) provenant d'Athènes.
Éros est une figure fréquemment représentée dans l'antiquité, ici sur un Skyphos attique à figures rouges ( v. 420-410 av. J.-C) provenant d'Athènes.

Sommaire

[modifier] Mythologie : les sources littéraires

  • Dans la Théogonie d’Hésiode (VIIIe siècle av. J.-C.), Éros constitue, avec Chaos et Gaïa, une des trois divinités primordiales[1]. C'est le seul des trois qui n'engendre pas, mais qui permet à Chaos et Gaïa de le faire. Il est beau, immortel, « dompte l'intelligence et la sagesse ». Jean-Pierre Vernant le présente comme le principe qui « rend manifeste la dualité, la multiplicité incluse dans l'unité »[2]. Éros (Amour) et Himéros (Désir) accompagnent Aphrodite depuis sa naissance[3].
  • Dans la théogonie des Rhapsodies, qui est la théologie orphique usuelle, Éros est à l'origine de la création. Il naquit de l'œuf cosmique issu de l'union de l'Éther et du Chaos. À la fois mâle et femelle, il a de nombreuses têtes d'animaux. Il eut deux enfants : Nyx (la Nuit) et le monstre Échidna. Il est nommé Phanès, mais aussi Protogonos, Èrikèpaios et Métis[4]. Dans l'orphisme, Phanès est assimilé à Dionysos-Zagreus et Zeus le dévore et devient ainsi le Dieu souverain.
  • Dans Les Oiseaux[5] d’Aristophane (450 - 385 av. J.-C.), Éros naît aussi de l'œuf, issu de la Nuit aux ailes noires. Il a deux ailes d'or et engendre, avec Chaos ailé et ténébreux, la race des Hommes, avant même celle des Immortels.
  • Dans Le Banquet de Platon (427 - 348 av. J.-C.), Éros est présenté différemment en fonction des personnages du dialogue :
    • Phèdre reprend le discours d'Hésiode : Éros est une divinité primordiale, et en fait l'éloge : « celui qui fait le plus de bien aux hommes », « il inspire de l'audace », « est le plus ancien, le plus auguste, et le plus capable de rendre l’homme vertueux et heureux durant sa vie et après sa mort ».
    • Pausanias fait la distinction entre deux amours. Comme il y a deux Aphrodite, l'Aphrodite céleste, plus âgée, née du mâle seul (Ouranos), et l'Aphrodite née du mâle et de la femelle (Zeus et Dioné), plus jeune et appelée Aphrodite triviale ou populaire, il y a deux Éros :
      • Éros populaire, « c’est l’amour qui règne parmi les gens du commun. Ils aiment sans choix, non moins les femmes que les jeunes gens, plutôt le corps que l’âme », « ils n’aspirent qu’à la jouissance ; pourvu qu’ils y parviennent, peu leur importe par quels moyens »,
      • Éros fidèle, qui « ne recherche que les jeunes gens », qui n'aime que le sexe masculin, « naturellement plus fort et plus intelligent ». Suit un éloge de l'amour vertueux, fidèle, non attaché au corps.
    • Éryximaque approuve la distinction des deux Éros faite par Pausanias et la complète : l'Éros ne réside pas seulement dans l'âme mais aussi dans la beauté, « dans les corps de tous les animaux, dans les productions de la terre, en un mot, dans tous les êtres ». L'Éros légitime et céleste est celui de la muse Uranie. « Mais pour celui de Polymnie, qui est l'Éros vulgaire, on ne doit le favoriser qu’avec une grande réserve, en sorte que l’agrément qu’il procure ne puisse jamais porter au déréglement ».
    • Aristophane parle de la puissance de l'Éros et du mythe de l'androgyne (il y a trois sexes originels : le masculin, produit par le soleil, le féminin par la terre et l'androgyne, celui qui est composé des deux autres, par la lune). Éros est la force qui pousse les moitiés les unes vers les autres après leurs séparations par les Dieux. Celle, homme, qui s'unit à une moitié femme devient féconde, celle qui s'unit à une moitié homme n'accouche que de choses de l'esprit. « Les hommes qui proviennent de la séparation des hommes primitifs recherchent le sexe masculin », de sorte que la sympathie, l’amitié et l'amour les saisissent l'un l'autre, et de façon à ne plus former qu’un seul être avec lui, « bonheur qui n’arrive aujourd’hui qu’à très peu de gens ».
    • Agathon le présente comme le plus beau et le plus jeune des Dieux, n'en déplaise à Hésiode et Parménide. C'est un Dieu délicat qui « marche et se repose sur les choses les plus tendres » et « s'éloigne des cœurs durs ». Il est formé d'une essence subtile – c'est la grâce qui le distingue –, ne peut recevoir aucune offense, est de la plus grande tempérance. C'est le plus fort des Dieux, plus fort qu'Arès même. Il est très habile car il rend poète celui qui est inspiré de lui.
    • Pour Socrate, Éros est amour de quelque chose : c'est l'amour de la beauté. Comme tous les démons, c'est un intermédiaire entre les hommes et les Dieux, entre la condition de mortel et celle d’immortel. Il apporte « au ciel les prières et les sacrifices des hommes » et rapporte « aux hommes les ordres des dieux et la rémunération des sacrifices qu’ils leur ont offerts ».
Il est issu de l'union de Poros (l'Abondance), fils de Métis (la Prudence), et de Pénia (la Pauvreté), au moment du festin de la naissance d'Aphrodite, c’est-à-dire que sa conception coïncide avec la naissance de la déesse. Comme fils de Pénia, il est « toujours pauvre, et, loin d’être beau et délicat, comme on le pense généralement, il est maigre, malpropre, sans chaussures, sans domicile, sans autre lit que la terre, sans couverture, couchant à la belle étoile auprès des portes et dans les rues ». Comme fils de Poros, il « est toujours à la piste de ce qui est beau et bon ; il est mâle, hardi, persévérant, chasseur habile, toujours machinant quelque artifice, désireux de savoir et apprenant avec facilité, philosophant sans cesse, enchanteur, magicien, sophiste »… Éros est un amant de la sagesse.
  • Dans des traditions plus récentes (à partir du VIe siècle av. J.-C.), il passe pour le fils né sans père de la déesse des Naissances Ilithyie[6], ou selon la plupart des auteurs pour celui d'Aphrodite par Arès, voire, mais plus rarement, d'Aphrodite par Zeus, Hermès, Héphaïstos ou même encore par Ouranos[7]. En tant que fils d'Aphrodite et d'Arès, il a pour frère jumeau ou cadet Antéros, dieu de l'amour mutuel, et pour sœur Harmonie.

[modifier] Culte

Il est honoré en Grèce antique spécialement comme le dieu de la pédérastie. Les Spartiates et les Crétois lui sacrifient avant une bataille, le bataillon sacré de Thèbes lui est consacré, et Athènes l'honore comme le dieu libérateur de la cité en l'honneur d'Harmodius et d'Aristogiton, les tyrannoctones. Son sanctuaire principal est situé à Thespies.

Son avatar romain, Cupidon, est souvent représenté sous les traits d'un jeune enfant espiègle, joufflu, avec deux petites ailes dans le dos et portant un arc, qui lui sert à décocher des flèches d'amour.

[modifier] Représentations artistiques

L'Amour bandant son arc, copie romaine d'un original de Lysippe, musées du Capitole
L'Amour bandant son arc, copie romaine d'un original de Lysippe, musées du Capitole

À l'origine, Éros est représenté comme un être androgyne. La figure du jeune homme ailé apparaît à la fin du VIe siècle av. J.-C. sur des vases attiques à figures rouges. Il n'est alors que rarement associé à Aphrodite et apparaît souvent sous de multiples instances ; parfois, l'un des Amours est nommé Himéros ou Pothos (désir).

Sa représentation devient très populaire à partir de 490 av. J.-C. On le voit alors sur les vases, la lyre ou avec un lièvre — cadeau pédérastique par excellence — à la main, ou encore poursuivant un garçon. Par la suite, il est plus fréquemment associé avec Aphrodite et le monde des femmes, notamment sur les vases nuptiaux comme les lébétès gamikoi, les loutrophores ou encore les lékanis. Au reste, on recourt au blanc pour le représenter, de même que pour le corps des femmes. L'arc et le carquois sont des attributs habituels à partir du IVe siècle av. J.-C. L'exemple le plus célèbre est sans doute la statue d’Éros bandant son arc, type attribué au sculpteur Lysippe.

À partir de l'époque hellénistique, le type de l'Éros-enfant apparaît concurremment à celui de l'Éros-éphèbe. Dès cette époque, Éros perd sa signification religieuse pour devenir ornemental. À partir de la Renaissance, sa représentation est assimilée à celle des anges pour parvenir au type du putto.

On peut voir une statue le représentant sur la place Piccadilly Circus à Londres.

[modifier] Éros et Agapè

L'Éros est une notion de l'amour d'origine hellénique. Elle est complémentaire ou s'oppose (c'est selon) à l'Agapè d'origine chrétienne. La comparaison des deux mobiles, l'un grec, l'autre chrétien, permet de mieux cerner la notion de l'Éros. Ce tableau[8] permet une vue didactique mais ne correspond pas aux différentes évolutions historiques qu'ont subies les concepts d'Éros et d'Agapè.

Éros Agapè
la voie de l'homme vers Dieu la voie de Dieu vers l'homme
s'élève descend
désir, aspiration
veut conquérir une vie divine
sacrifice
vit de la vie divine
ose "perdre sa vie"
nécessite l'effort de l'homme, dans le cadre du salut la grâce, d'origine divine = la rédemption
amour égocentrique car part de soi
sous sa forme la plus noble
amour désintéressé , don de soi
l'amour de l'homme en tant que
Dieu est l'objet de l'éros
l'amour de Dieu
motivé par la beauté et la valeur de son objet
l'objet vaut la peine d'être aimé
indépendant de la valeur de son objet
spontané, non motivé
aime et crée la valeur de son objet

[modifier] Les métamorphoses d'Éros

  • L'Éros platonicien

L'Éros existait déjà bien avant Platon (427 av. J.-C./348 av. J.-C.). On le retrouvait dans l'orphisme et dans les cultes à mystères où l'ascension de l'âme se faisait suivant trois degrés successifs : la purification, l’illumination et l’union au divin. Platon reprend ces notions et donne à l'Éros une forme personnelle et en fait ressortir le sens. Il utilise la forme mythique de l'Éros pour la transformer en forme dialectique : le but de la philosophie est de reproduire la purification. Il opère ainsi l'opposition entre le logos et le mythe dans la conception de l'Éros. Mais sa philosophie existentielle repose toujours sur un fond religieux, la réunion de l'âme à son origine divine étant toujours la voie de la rédemption, à la différence de la philosophie moderne. Elle est en effet largement tributaire de l'orphisme, et reste malgré tout une sotériologie. Ceci est peut-être la raison pour laquelle Platon délaisse la dialectique et la pensée discursive pour rejoindre l'expérience extatique lorsqu'il parle de la "folie divine", moment où l'âme s'unit au divin, caractérisant le troisième degré de l'ascension de l'âme.

Platon distingue deux types d'Éros : l'Éros vulgaire, fils de l' Aphrodite vulgaire, qui pousse les hommes à la légèreté et au libertinage, et l'Éros céleste, né de l' Aphrodite céleste, qui est la voie permettant le passage du sensible au suprasensible, du monde inférieur au monde supérieur, du monde matériel au monde des Idées.

L'idée principale est que ce passage s'effectue toujours dans le même sens : du bas vers le haut, puisque le monde des Idées ne peut agir sur celui des sens. L'éros platonicien n'est ni purement divin ni uniquement humain, il est quelque chose d'intermédiaire, un grand démon, permettant d'éveiller dans l'âme, comme la braise sous la cendre, l'attrait de l'âme vers le monde supérieur. Ou autrement dit la beauté de ce monde a pour rôle d'éveiller l'éros dans l'âme pour qu'elle parvienne à la Beauté suprasensible et Céleste.

Pour Anders Nygren[8] l'originalité de la conception platonicienne sur l'Éros se résume aux points suivants :

- L'Éros est un désir, une aspiration, une convoitise liée à un sentiment de privation, qui est un de ses éléments constitutifs. Il n'est pas purement spontané et immotivé comme pourrait l'être l'Agapè, qui est une conception fondamentale et originale du christianisme[9].
- L'Éros est la voie qui mène l'homme vers Dieu, et non pas la divinité qui s'abaisse vers l'homme.
- l'Éros est par nature un amour égocentrique, du seul fait qu'il est désir. La preuve la plus éclatante en est l'union intime de l'éros et de l'eudémonisme.
  • Aristote et la forme pure

Aristote (384 av. J.-C./322 av. J.-C.) élargit la notion d'Éros pour lui donner une signification cosmique, à la différence de Platon pour qui l'Éros est la voie conduisant l'âme vers ce qui est beau en soi. Pour Aristote, cette aspiration concerne tous les éléments du cosmos : la nature est pris dans un mouvement constant vers l'élévation : la matière vers la forme, la possibilité vers l'existence. La forme pure est au-dessus de ce mouvement, elle est immobile mais le principe de tout mouvement. Elle éveille l'éros dans la matière. L'Éros est élevé au rang de puissance universelle. L'échelle de Platon devient chez Aristote une hiérarchie. Ce qui est inférieur tend vers ce qui est supérieur.
Chez Aristote, le sens religieux de l'Éros passe au second plan.

  • Plotin : la voie descendante et la voie ascendante

Selon Nygren[8], Plotin (205 après J.-C./270 après J.-C.), philosophe néo-platonicien, se démarque de Platon sur quatre points, concernant Eros :

- à la voie ascendante de Platon, menant à Dieu, le monde des Idées, il ajoute la voie descendante. C'est le processus cosmologique. L'âme humaine doit franchir à l'envers les étapes de ce processus : toutes choses proviennent de l'Un, du divin ; toutes choses retournent à l'Un. Plotin rejoint ainsi la conception alexandrine du monde[10].
- Dieu est Eros : Il est digne d'être aimé, il est amour ...(VI,8,15) .[11]
- l'union avec Dieu ne peut se faire que dans l'extase, c’est-à-dire que ni la dialectique ni la pensée discursive ne peuvent mener à l'union divine. Plotin renoue ainsi avec la religion.
- il n'existe pas un éros unique mais une multitude : l'éros correspondant à l'âme universelle et les éros propres à chaque âme individuelle.

Du reste, Plotin rejoint Platon lorsqu'il explique que l'âme commence sa marche ascendante mue par l'éros. Le monde sensible est beau mais ne possède que la beauté d'un reflet. À la différence des Gnostiques, il soutient que l'âme est d'origine divine, et à ce titre elle est bonne par nature.

  • Origène : éros=agapè

Bien qu'étant un Père de l'Église, les conceptions d'Origène (185-254) se situent sur la ligne de l'éros. L'originalité de ses travaux consistent à opérer une synthèse entre la conception chrétienne de l'amour et celle de la conception hellénique. Pour lui l'agapè est interprétée comme étant la même chose qu'éros. Dans le Cantique des cantiques, il considère que l'Ecriture emploie à juste titre le terme d'Agapè afin de ne pas induire en erreur le lecteur qui, si le terme d'éros avait été employé, aurait pu éveiller en lui l'éros vulgaire. Dans son Commentaire au Cantique des Cantiques il rappelle que ce texte est destiné aux "parfaits", les Gnostiques chrétiens. Si dans l'Ecriture, le terme d'éros n'est pas employé c'est pour éviter un malentendu avec l'éros vulgaire. D'une façon générale quand un gnostique rencontre dans l'Ecriture le terme d'agapè, il doit l'entendre, par conséquent, comme s'il y avait éros, car telle est la réalité qui se dissimule derrière le masque protecteur d'agapè. Pour appuyer sa thèse, il cite deux passages dans la bible où l'idée d'éros apparait : Proverbes 4,6 et Sagesse 8,2 : il y est question de la sagesse.

en principe, la voie du salut fondée sur l'éros est la bonne ; mais pour que les hommes, dans leur faiblesse, ne demeurent pas sans secours et sans appui, il a été crée, à côté d'elle, la voie du salut fondée sur l'agapé

au contraire des philosophes hellénistes qui considèraient que la majorité des hommes était perdue.

A la suite d'Origène, Grégoire de Nysse (331-394) reprend la même théologie . Il utilise cependant une symbolique assez riche pour désigner l'éros. Certains sont déjà connus : l'échelle céleste et les ailes de l'âme. Mais d'autres sont nouveaux concernant l'éros : l'ascension de la montagne, la flamme et la chaîne d'amour.

  • Augustin et la Caritas

Saint Augustin (354-430), un des principaux Pères de l'Église latine, a gardé toute la valeur de la voie de l'éros, la seule qui puisse mener au salut. Il ne doute pas que l'amour chrétien pour Dieu soit le même que l'éros platonicien , à ceci près que l'homme manque de force pour rester en haut : Je ne pus garder mon regard fixé sur toi ; au contraire, dans ma faiblesse, il me fallut détourner ma vue et revenir aux choses familières. Le principal défaut qu'il attribue à la voie de l'éros, bien qu'il ait toujours été mû par celle-ci, se situe dans la superbia, c’est-à-dire l'orgueil et le contentement de soi qu'elle laisse derrière elle. L'homme reste donc toujours à son niveau et n'accède jamais au Divin.

Il a élaboré une doctrine riche et complexe fondée sur la caritas et la grâce dans laquelle l'éros est incluse. La caritas qui porte la marque de l'éros céleste est toujours la seule voie qui mène à Dieu. Elle demeure pourtant impraticable tant que la grâce, la gratia, ne l'a pas infusé dans le cœur. La grâce a pour fondements, dans le christianisme, l'incarnation et l' humilitas, ce qui est le principal enseignement du Christ.

Caritas et Cupiditas sont les deux types d'amour que l'homme peut éprouver. L'un est dirigé vers le divin, l'autre vers le monde, rappelant l'éros céleste et l'éros vulgaire. Saint Augustin leur attribue la même valeur, il n'y a que l'objet d'amour qui change. Cependant, sans comdamner fermement la cupiditas, Augustin comprend qu'elle est une recherche de Dieu, mais mal dirigée : elle se trompe d'objet. Les péchés et les vices de l'homme ne sont que le reflet de cet état de choses. Il n'est en principe qu'un seul objet que l'homme ait le droit d'aimer : Dieu. En introduisant le Frui, le "jouir" (de son objet) et le uti, l'"utiliser" (aimer une chose en vue d'une autre chose), Augustin élabore un peu plus sa doctrine. La seule attitude qui convienne à l'égard du monde est de l'utiliser, afin que cela soit d'une aide pour l'homme sur la voie de la caritas. Elle doit tendre vers la fruitio Dei, la jouissance de Dieu. À l'inverse, la cupiditas utilise Dieu pour jouir du monde.

  • Proclus et la force universelle de l'éros

Philosophe néo-platonicien, Proclus (412-487), ou Proclos en grec ancien, reprend les thèmes de Platon et de Plotin concernant l'éros et le transforme :

- il modifie la conception alexandrine du monde. Au double mouvement descendant et ascendant de celle-ci, il substitue un schéma ternaire : le repos, l'émanation et le retour.
- l'éros, ce qui s'élève de l'inférieur vers le supérieur, l'éros donc est aussi ce qui s'abaisse du plan divin vers l'humain, vers le monde inférieur, il a changé la direction de son mouvement. Ce qui diffère radicalement du platonicisme et du néo-platonicisme.
Du monde supérieur l'éros s'abaisse, de la sphère de ce qui est Esprit et Raison jusqu'à la sphère de ce qui est cosmique et il tourne toutes choses vers la beauté divine.
- Proclus reprend la notion de la multitude d'éros introduite par Plotin et la systématise pour y introduire de l'ordre : c'est la chaine d'éros qui relie le ciel et la terre et qui en constitue la relation.
- il achève la théorie des trois degrés successifs de l'ascension, la purification, l'illumination et l'union qui sera reprise par la mystique chrétienne, dont les trois voies seront pendant des siècles : via purgativa, via illuminativa, via unitiva.
- l'éros est la puissance qui lie toutes choses dans l'existence. Non pas uniquement l'ascension de l'âme individuelle de Platon, ni seulement la tendance inhérente à l'existence tout entière à s'élever d'Aristote, mais une force universelle qui relie le supérieur à l'inférieur, l'inférieur au supérieur, et entre elles pour les choses de même niveau.
  • Denys l'Aréopagite et la hiérarchie céleste

L'auteur de La Hiérarchie céleste et de La Hiérarchie ecclésiastique n'est pas en fait Denys l'Aréopagite, premier évêque d'Athènes, brûlé vif vers l'an 95, mais un auteur anonyme, Pseudo-Denys l'Aréopagite, dont les écrits sont fixés entre 485 et 515. Philosophe néoplatonicien, inspiré par Plotin et surtout Proclus auquel il fait de larges emprunts, sa pensée est largement déterminée par l'éros. Il systématise la multiplicité des éros isolés suivant une causalité qui prend sa source dans l'essence divine :il s'agit d'une doctrine de l'émanation. Tout étant sous la gouverne de l'éros, il ne permet pas à celui qui aime de demeurer en lui-même : même Dieu y est soumis et a été poussé à créer toutes choses et à se diriger vers l'objet aimé.
Sa Hiérarchie se construit autour d'un seul but : la divinisation qui consiste à s'unir à Dieu. Cette divinisation s'effectue suivant un ordre bien établi : la règle fondamentale est que l'ordre inférieur ne peut s'élever vers la divinité que par l'intermédiaire de celui qui lui est immédiatement supérieur. Chaque ordre est relié à un ordre supérieur duquel il recoit, et à un ordre inférieur auquel il donne. Il en est de même au niveau de la hiérarchie ecclésiastique. Ainsi, l'homme s'élève le long de la chaine luminescente qui vient du ciel.

[modifier] Postérité

Le mot « Éros », personnification de l'amour, a connu une grande fortune. On le retrouve ainsi en psychanalyse, Sigmund Freud nommant « Éros » la pulsion de vie qui, selon lui, habite chaque être humain. Il l'oppose à la pulsion de mort, ou pulsion de destruction. Il est courant aujourd'hui de nommer cette pulsion de mort « Thanatos », mais il ne s'agit pas d'un terme freudien à proprement parler. Ces deux pulsions fondamentales ne peuvent être pensées séparément qu'en métapsychologie (Freud disait d'elles qu'elles étaient sa mythologie): en clinique, elles oeuvrent toujours ensemble, en une sorte d'amalgame, et sont indissociables.

[modifier] Sources

[modifier] Notes

  1. Théogonie 116-123
  2. Jean-Pierre Vernant, L’individu, la mort, l’amour. Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Gallimard, 1989
  3. Théogonie 201-202
  4. Alain Verjat, Éros est renversant. Sur les valeurs heuristiques de la figure mythique d'Éros dans Éros volubile - Les métamorphoses de l'amour du Moyen Âge aux Lumières sous la direction de D. Jiménez et J.-C. Abramovici, Éd. Desjonquères, 2000, [1], [2]
  5. Les Oiseaux d’Aristophane, v.676 et suiv.
  6. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne] (IX,27,1).
  7. Sources diverses dont Cicéron, Nonnos de Panopolis, Sappho, etc.
  8. abc Anders Nygren Érôs et Agapè Aubier Ed. Montaigne 1962
  9. Pour cet auteur, l'agapè est d'origine divine, c'est la voie descendant de Dieu vers l'homme. Elle est spontanée et non motivée, indépendante de la valeur de son objet. Elle est créatrice, notamment de la communion entre Dieu et les hommes
  10. Opposition entre Dieu et la matière. La réunion est possible dans les deux sens : l'abaissement cosmologique et l'ascension sotériologique. Entre Dieu et la matière existe toute une série d'intermédiaires.
  11. amour éros et non pas amour agapè.

[modifier] Voir aussi

[modifier] liens internes

commons:Accueil

Wikimedia Commons propose des documents multimédia libres sur Éros.

[modifier] liens externes


Divinités olympiennes
Canon olympien AphroditeApollonArèsArtémisAthénaDéméterDionysos
HadèsHéphaïstosHéraHermèsHestiaPoséidonZeus
Autres Olympiens AstréeCharitesÉros et AntérosGanymèdeHébéHeures – Himéros
HymenIlithyieIrisLétoMnémosyneMoiresMusesPothosThémis

Wikipedia HTML 2008 in other languages

100 000 +

Česká (Czech)  •  English  •  Deutsch (German)  •  日本語 (Japanese)  •  Français (French)  •  Polski (Polish)  •  Suomi (Finnish)  •  Svenska (Swedish)  •  Nederlands (Dutch)  •  Español (Spanish)  •  Italiano (Italian)  •  Norsk (Norwegian Bokmål)  •  Português (Portuguese)  •  Română (Romanian)  •  Русский (Russian)  •  Türkçe (Turkish)  •  Українська (Ukrainian)  •  中文 (Chinese)

10 000 +

العربية (Arabic)  •  Български (Bulgarian)  •  Bosanski (Bosnian)  •  Català (Catalan)  •  Cymraeg (Welsh)  •  Dansk (Danish)  •  Ελληνικά (Greek)  •  Esperanto  •  Eesti (Estonian)  •  Euskara (Basque)  •  Galego (Galician)  •  עברית (Hebrew)  •  हिन्दी (Hindi)  •  Hrvatski (Croatian)  •  Magyar (Hungarian)  •  Ido  •  Bahasa Indonesia (Indonesian)  •  Íslenska (Icelandic)  •  Basa Jawa (Javanese)  •  한국어 (Korean)  •  Latina (Latin)  •  Lëtzebuergesch (Luxembourgish)  •  Lietuvių (Lithuanian)  •  Latviešu (Latvian)  •  Bahasa Melayu (Malay)  •  Plattdüütsch (Low Saxon)  •  Norsk (Norwegian Nynorsk)  •  فارسی (Persian)  •  Sicilianu (Sicilian)  •  Slovenčina (Slovak)  •  Slovenščina (Slovenian)  •  Српски (Serbian)  •  Basa Sunda (Sundanese)  •  தமிழ் (Tamil)  •  ไทย (Thai)  •  Tiếng Việt (Vietnamese)

1 000 +

Afrikaans  •  Asturianu (Asturian)  •  Беларуская (Belarusian)  •  Kaszëbsczi (Kashubian)  •  Frysk (Western Frisian)  •  Gaeilge (Irish)  •  Interlingua  •  Kurdî (Kurdish)  •  Kernewek (Cornish)  •  Māori  •  Bân-lâm-gú (Southern Min)  •  Occitan  •  संस्कृत (Sanskrit)  •  Scots  •  Tatarça (Tatar)  •  اردو (Urdu) Walon (Walloon)  •  יידיש (Yiddish)  •  古文/文言文 (Classical Chinese)

100 +

Nehiyaw (Cree)  •  словѣньскъ (Old Church Slavonic)  •  gutisk (Gothic)  •  ລາວ (Laos)