Évolution humaine
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L'évolution humaine désigne la théorie des différentes étapes qui ont abouti à l'homme moderne, Homo sapiens, à partir des ancêtres communs qu'il a avec les autres primates. Elle ne se limite pas à l'étude du genre Homo mais inclut plus généralement tous les membres de la famille des homininés (y compris donc les australopithèques qui ne sont pas, à proprement parler, nos ancêtres). Son étude revient surtout à décrire l'histoire de la lignée humaine. Ce travail scientifique correspond à ce qu'on appelle la paléoanthropologie.
Sommaire |
[modifier] Du début de la Vie au premier bipède
[modifier] De l'apparition de la vie à la sortie des eaux
Il y a 3,5 milliards d'années, la vie apparaît sur Terre. Suivent des formes simples, probablement assez proches de certaines bactéries actuelles. Ensuite la vie a pris certaines formes plus complexes, toutes aquatiques, dont les expressions les plus complexes ressemblaient aux poissons osseux actuels. C'est de cette branche (ostéichtyens) que proviendraient les premiers animaux terrestres, les plantes étant déjà installées hors de l'eau.
Les premiers animaux à quatre pattes connus ou tétrapodes sont des amphibiens tel Ichthyostega. Le rayonnement d'espèces issues de cette souche a été important, les « reptiles » de la classification traditionnelle en sont une variante. Une lignée relativement primitive de reptiles, les reptiles mammaliens est à l'origine des mammifères.
[modifier] La radiation évolutive des mammifères
Les mammifères subissent une radiation évolutive dès le début de l'ère tertiaire: de nombreuses espèces différentes apparaissent et occupent des milieux variés : les airs, les milieux aquatiques… Des mammifères arboricoles apparaissent, les primates. Parmi eux, un grand nombre sont frugivores et c'est d'ailleurs parallèlement à l'acquisition de ce régime frugivore que devient possible la vision en couleur, pour le repérage des fruits mûrs [1]. Parmi eux, les singes (simiens) puis les grands singes, se seraient diversifiés, ces derniers n'ayant pas de queue préhensile.
La classification phylogénétique permet aujourd'hui de positionner de façon précise la lignée humaine par rapport aux huit genres non-éteints de singes qui forment la super-famille des Hominoïdes :
- le regroupement des diverses espèces d'hommes (genre Homo, à 46 chromosomes) avec les diverses espèces d'australopithèques forme la tribu des Hominines,
- le regroupement de la tribu des Hominines avec celle des Panines (genre Pan, à 48 chromosomes) forme la sous-famille des Homininés,
- le regroupement de la sous-famille des Homininés avec celle des Gorillinés (genre Gorilla, à 48 chromosomes) forme la famille des Hominidés,
- le regroupement de la famille des Hominidés avec celles des Pongidés (famille maintenant limitée au seul genre Pongo, à 48 chromosomes, comprenant l'espèce orang outan) [2] et des Hylobatidés (quatre genres : le genre Hylobates, à 44 chromosomes, qui comprend les espèces de gibbons, le genre Hoolock, à 38 chromosomes, le genre Nomascus, à 52 chromosomes, et le genre Symphalangus, à 50 chromosomes) forme la super-famille des Hominoïdes ;
À un degré plus élevé dans la phylogénie :
- le regroupement de la super-famille des Hominoïdes avec celle des Cercopithécoïdes forme le groupe zoologique des Catarhiniens (singes du Vieux-Monde),
- le regroupement des Catarhiniens avec les Platyrhiniens (singes du Nouveau-Monde) forme l'infra-ordre des Simiiformes (singes),
- ensuite, le regroupement des Simiiformes avec les Tarsiformes forme le sous-ordre des Haplorhiniens,
- le regroupement du sous-ordre des Haplorhiniens avec celui des Strepsirhiniens (qui comprends les infra-ordres des Lorisiformes et des Lémuriformes) forme l'ordre des Primates,
On remonte alors à la classe des Mammifères ; on peut ensuite poursuivre jusqu'au sous-embranchement des Vertébrés, à l'embranchement des Cordés, au sous-règne des Eumétazoaires, au règne animal, enfin à l'empire eucaryote.
Le regroupement de l'empire eucaryote avec les empires eubacteria et archaea constitue la matière vivante terrestre. Ces empires résultent de la première bifurcation survenue lors de l'évolution de la matière vivante sur Terre, mais les frontières précises de ceux-ci ne font pas encore l'unanimité parmi les biologistes ; la succession de bifurcations qui mènent de l'empire eucaryote au règne animal est actuellement inconnue.
[modifier] La séparation de la lignée du chimpanzé et de la lignée humaine
Les différentes séparations entre les lignées ayant mené aux différentes espèces de singes actuels, et au genre Homo, se sont produites de manière successive. La séparation la plus récente entre la lignée humaine et celle d'une autre espèce de singes a été celle qui s'est produite avec les Panines (lignée des chimpanzés). Selon David Reich de la Harvard Medical School à Boston, qui a comparé l'ADN des chromosomes X humain et de chimpanzé, cette séparation s'est faite il y a moins de 6,3 millions d'années[3]. Toutefois, ces travaux indiquent également que cette séparation a été progressive, car la comparaison des séquences des chromosomes X de l'Homo sapiens et du chimpanzé montre des similitudes qui semblent refléter une période de "ré-hybridation" entre des Hominines et des Panines. Une hybridation significative entre au moins une espèce de chimpanzé d'une part, des espèces d'australopithèques et probablement des espèces d'Hommes d'autre part, conduisant à des échanges de gènes entre les deux tribus, a dû exister pendant peut-être quatre millions d'années selon les auteurs de ces travaux.
[modifier] Le plus ancien primate bipède
Au Miocène, entre -10 et -6 Ma, il y a séparation de la lignée humaine et de la lignée des chimpanzés, espèce la plus proche de nous.
Le plus ancien fossile de primate bipède, daté de - 7 Ma, a été découvert au Tchad. On lui donna le nom de Toumaï. Seul le crâne a pu être étudié, mais il présente les caractéristiques d'une station debout, et donc d'une marche sur deux jambes. La bipédie est donc le premier caractère humain à apparaître dans la lignée humaine. Cette apparition serait l'événement fondateur ayant permis par la suite les évolutions qui ont mené aux différentes espèces d'homininés dont l'Homme fait partie.
Cette évolution récente, depuis notre ancêtre commun le plus récent avec les chimpanzés, est relativement bien documentée grâce aux fossiles, bien que des lacunes importantes subsistent.
[modifier] Évolution de la lignée humaine
La lignée humaine regroupe l'espèce humaine et toutes autres espèces fossiles, ayant une parenté plus proche avec les humains, qu'avec les chimpanzés, espèce actuelle la plus proche de nous. Un fossile ne peut être classé dans la lignée humaine que s'il présente au moins un des caractères dérivés propres à l'espèce humaine actuelle.
[modifier] Une évolution plus « buissonnante » que linéaire
Depuis les années quatre-vingt, les découvertes de gisements de fossiles se sont multipliées, et avec elles, le nombre d'espèces ou de sous-espèces du genre Homo.
Du même coup, l'histoire évolutionnaire de l'homme est passée d'un arbre linéaire à un arbre à plusieurs branches, et des espèces que nous pensions être nos ancêtres il y a encore peu sont brusquement devenues nos défunts cousins.
Cet article se propose donc de présenter l'état des théories actuellement admises, ainsi que quelques théories alternatives.
[modifier] Évolution des hominines
Jusqu'au début des années 1980, l'état de la recherche permettait de représenter l'évolution des hommes au Pliocène et au Pléistocène comme suit :
Les connaissances de l'époque permettaient de penser que l'arbre évolutif des genres Australopithecus et Homo était linéaire et que les espèces se succédaient dans un processus continu et régulier, chaque espèce étant l'ancêtre de l'autre. Cette hypothèse a connu son apogée dans les années 1960-1970, époque de forte influence de la Théorie synthétique de l'évolution (TSE) dans les différentes disciplines de la paléoanthropologie. Certains chercheurs défendaient même avec force la théorie de l'espèce unique : à une époque donnée ne pouvait exister qu'une seule espèce d'hominidé. L'arbre évolutif de l'homme était alors perçu comme « un gros tronc avec très peu de branches ».
Cette théorie simpliste est parfois encore enseignée de nos jours bien qu'elle n'intègre pas les découvertes de ces dernières années. On sait par exemple que vers 2 millions d'années vivaient dans les mêmes régions d'Afrique de l'Est des Paranthropus, des Homo rudolfensis et des Homo habilis.
[modifier] L'émergence du genre Homo
Les plus anciens représentants du genre Homo, les Homo habilis et les Homo rudolfensis, semblent apparaître en Afrique vers 2,5 Ma, alors que des changements climatiques importants ont lieu : la formation de la calotte glaciaire arctique entraîne une sécheresse en Afrique, ce qui provoque le recul des forêts.
Le genre Homo se définit par une capacité crânienne plus forte (supérieure à 600 cm³) que celle des australopithèques, une boîte crânienne plus arrondie, une réduction de l'appareil masticateur et de la face, de petites canines, et une bipédie quasi exclusive.
Homo habilis était encore adapté à la vie arboricole. Les empreintes visibles sur les os de la boîte crânienne prouvent qu'il existait déjà une asymétrie entre les cerveaux droit et gauche, ce qui suggère une plus grande capacité à fabriquer et à utiliser les outils. Il est probablement l'auteur de certains des premiers galets taillés (industrie oldowayenne).
Homo rudolfensis était plus corpulent et possédait un gros cerveau et des mâchoires plus puissantes (à mettre en relation avec un régime alimentaire probablement plus carnivore que Homo habilis). Bien qu'il soit peu connu, on pense que sa bipédie devait être plus évoluée que celle d' Homo habilis.
Homo habilis et Homo rudolfensis disparaissent vers 1,6 Ma.
Contemporain des derniers Homo habilis et Paranthropus, l’Homo ergaster possède des caractéristiques qui le rapprochent beaucoup de l'homme moderne : taille plus importante, bipédie exclusive, forte capacité crânienne (supérieure à 800 cm³), boîte crânienne bien arrondie et qui domine la face, face réduite, etc. Ses outils commencent à être plus sophistiqués : bifaces, hachereaux, etc. (industrie acheuléenne).
Sa bonne adaptation à la marche bipède et à la course lui permet de parcourir de grandes distances et il va progressivement occuper une partie de l'ancien monde (Asie et Europe), dès 1,8 Ma, probablement en suivant ses proies au gré des changements climatiques. Ses nouveaux outils lui permettent d'adopter un régime alimentaire contenant beaucoup plus de viande (c'est un vrai chasseur). Enfin, il peut communiquer en pratiquant un langage articulé (probablement déjà esquissé chez Homo habilis).
Les Homo ergaster installés en Asie sont probablement à l'origine des Homo erectus, au squelette très robuste, mais à la capacité crânienne élevée et à la face réduite. Ces derniers produisent une industrie lithique souvent proche de l'Oldowayen mais parfois clairement acheuléenne.
De nos jours, les nombreux fossiles découverts sur tous les continents ont complètement transformé notre arbre évolutif en un « buisson » très fourni. Plusieurs modèles de filiation peuvent être proposés à partir des différentes espèces d'hominidés qui se sont succédé :
Ce tableau ne propose que des filiations pour les représentants du genre Homo (traits verticaux). Il prend en compte les hypothèses suivantes :
- Homo rudolfensis serait une espèce à part entière et non une sous-espèce de Homo habilis.
- Homo antecessor serait l'ancêtre commun de Homo heidelbergensis et de Homo rhodesiensis. Ses dates d'apparition et d'extinction sont pour le moment indicatives car cette espèce n'a été définie qu'à partir d'un seul gisement et n'est pas reconnue par l'ensemble des paléoanthropologues.
- Homo floresiensis descendrait directement de Homo erectus, et ses ancêtres seraient arrivés sur l'île de Flores il y a environ 800 000 ans, mais n'auraient constitué une nouvelle espèce à part entière que bien plus tard.
- Les hommes de Néandertal appartiendraient à l'espèce Homo neanderthalensis, distincte de Homo sapiens.
De plus, il existe deux tendances chez les paléoanthropologues. Certains sont partisans de regrouper les spécimens fossiles au sein du plus petit nombre d'espèces et d'autres préfèrent classer ces individus parmi le plus grand nombre d'espèces fossiles.
[modifier] Les origines de l'homme moderne
Les Homo ergaster d'Afrique s'installent en Europe. Descendant des premiers hommes qui ont conquis l'Europe (Homo heidelbergensis) et le Moyen-Orient, et qui se sont probablement trouvé isolés lors de certaines périodes de glaciation, Homo neanderthalensis (Homme de Néandertal) a vécu de 200 000 à 30 000 ans. Son corps présente des adaptations au froid. C'est probablement lui qui adopte les premiers rites funéraires.
On trouve des représentants d'une lignée prénéandertalienne entre 1 Ma et 120 000 ans, mais les origines véritables sont loin d'être éclaircies (il y aurait peut-être eu continuité en Asie, mais remplacement en Europe…).
D'autres populations d’Homo ergaster venant d'Afrique et du Proche Orient sont à l'origine des "Proto-Cro-Magnon", puis des Cro-Magnon (Homo sapiens).
Vers 40 000 ans, Homo neanderthalensis et Homo sapiens (Homme de Cro-Magnon) se côtoient en Europe. Ce dernier constitue le premier représentant de notre espèce. Sa morphologie longiligne traduit des origines très probablement africaines.
Les plus vieux ossements attribués à Homo sapiens ont en effet été découverts en Afrique. Aujourd'hui, les paléontologues donnent à Homo sapiens un âge d'environ 200 000 ans puisque les plus vieux ossements retrouvés sont deux crânes datés de -195 000 ans, et appelés Omo 1 et Omo 2; viennent ensuite ceux de l'Homme d'Herto encore appelé Homo sapiens idaltu, datés d'environ -154 000 ans.
[modifier] Fossiles
[modifier] Caractéristiques de la lignée humaine
Ces caractères peuvent être classés en trois catégories :
[modifier] Bipédie
- Quatre courbures au niveau de la colonne vertébrale ;
- Un trou occipital avancé à la base du crâne, ce qui est en relation avec une locomotion bipède ;
- Bassin large et évasé qui permet une meilleure stabilité durant la marche ;
- Fémurs obliques par rapport à la verticale, ce qui permet aux pieds d'être à l'aplomb du centre de gravité ;
- Un pouce parallèle aux autres orteils et l'existence d'une voûte plantaire ;
- Des membres antérieurs raccourcis.
[modifier] L'évolution crânienne
- Grande capacité crânienne (entre 500 et 1600 cm³) ;
- Arrondissement du crâne ;
- Face aplatie (pas de prognathisme) ;
- Absence de bourrelet sus-orbitaire.
[modifier] Activités culturelles
- Production d'outils et maîtrise de la taille de la pierre, réalisation d'un outillage diversifié (bifaces, grattoirs...) ;
- Maîtrise du feu (Homo heidelbergensis ou Homo erectus)
- Rites funéraires (à partir de Homo neanderthalensis)
- Art (peintures, sculptures...) (à partir d'Homo sapiens)
[modifier] Évolution technique et sociale
[modifier] Histoire de la théorie de l'évolution humaine
1850 | |
1900 | |
1950 | |
2002 | |
Ces diagrammes montrent les positions relatives des espèces d’Homininae examinées par les scientifiques au fils des ans. Chaque rectangle représente les écarts de volumes crâniens par espèces et en fonction des datations des fossiles découverts. La série de diagramme montre comment de deux espèces relativement éloignées, les scientifiques sont amenés à penser que les deux espèces survivantes d'Homininae sont le fruit d'une évolution différente, issu d'un ancêtre commun. |
L'origine de l'homme est un concept fondamental de la métaphysique ; elle a longtemps été expliquée par des mythes du récit originel plus ou moins liés à la religion. La théorie admise en l'Occident et au Moyen Orient pendant plusieurs siècles est issue de la mythologie juive : l'homme et la femme descendraient du couple formé par Adam et Ève. Cette conception n'a été remise en question qu'avec l'apparition des théories mécanistes de la vie de la fin de la Renaissance, telles celles de René Descartes, puis des théories évolutives. Elles sont toutes violemment condamnées par les églises chrétiennes occidentales. Le fossile de l'homme de Néandertal découvert en 1856 appuie l'hypothèse évolutive, même si l'idée même qu'une espèce d'homme distincte de la nôtre ait existé par le passé (et ait disparu) fut particulièrement difficile à admettre. Elle ne fut proposée par Charles Darwin qu'en 1871. L'homme de Java est découvert en 1890. La théorie de l'évolution a été popularisée par Darwin dans L'Origine des espèces ; le principal argument des contradicteurs de cette théorie est le manque de fossiles intermédiaires. Ceci a permis à des faussaires de berner le monde scientifique, comme avec l'affaire de l'Homme de Piltdown, composé de morceaux de squelettes d'homme et d'orang-outan.
La définition du genre Homo reste floue et varie selon les critères retenus ; le principal critère reste le volume de la boite crânienne.
La découverte de Lucy en 1974 a permis d'appuyer la théorie d'une origine est-africaine de la lignée humaine.
En 2004, la découverte du Piérolapithèque en Catalogne a fourni de nouveaux éléments sur la question du dernier ancêtre commun. Cette espèce date d'environ 13 millions d'années avant le présent.
[modifier] Notes et références
- ↑ Les chiens ou les ruminants ont une perception des couleurs bien moindre que celle des primates.
- ↑ Le groupement de ces deux familles, qui possèdent cinq chromosomes {6, 19, 21, 22, X} pratiquement identiques, étant parfois appelé Hominoïdés
- ↑ publiés dans la revue Nature N° 441, p. 1103 s. ;(en)Nature,17 mai 2006
[modifier] Voir aussi
- Bipédie
- A.A.T. (Aquatic Ape Theory) ou "Théorie du Primate Aquatique"
- Théorie de l'évolution
[modifier] Bibliographie
- Les origines de l'homme, Pascal Picq (2005, dernière édition)
- L'aventure humaine, des molécules à la culture, Boyd & silk, 2004, éditions de boeck .