1920 (Chronologie de Dada et du surréalisme)

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Sommaire

[modifier] Éphéméride

[modifier] Janvier

  • 5 janvier
    Lettre de Breton à Picabia : « Il y a un mot que je prononce souvent ainsi que Tzara : celui de démoralisation. C'est à cette démoralisation que nous nous appliquons Soupault et moi dans "Littérature". Je sais que jusqu'à un certain point cela est puéril... »[2]
  • 10 janvier
    René Hilsum installe les éditions "Au Sans Pareil" dans une librairie au 37 de l'avenue Kléber, Paris (16e ardt). Les dadaïstes en font leur second lieu de rendez-vous quotidien avec le café Certà, passage de l'Opéra.
  • Paul Éluard
    « Les Animaux et leurs hommes, les hommes et leurs animaux »,[4] avec cinq dessins d'André Lhote :
    « Et le langage déplaisant qui suffit aux bavards, langage aussi mort que les couronnes à nos fronts semblables, réduisons-le, transformons-le en un langage charmant, véritable, de commun échange entre nous. »[5]
  • 23 janvier
    La rencontre chez Picabia de Tzara avec les surréalistes (sauf Éluard) déçoit Breton.
    Tzara est invité à participer au premier "Vendredi de Littérature" prévu le jour même. Le malentendu est total. Certains journaux ayant annoncé une conférence sur "la crise du change", les spectateurs croient à une supercherie quand Picabia trace à la craie sur un tableau noir les lettres "LHOOQ" que Breton efface aussitôt d'un coup d'éponge, puis Tzara, forçant son accent roumain, lit un discours de Léon Daudet pendant qu'Aragon et Breton font retentir des sonnettes. Le spectacle s'achève devant une salle vide.[6]

[modifier] Février

  • 5 février
    Deuxième manifestation "Dada" au Grand Palais. Le public est nombreux, le programme ayant annoncé la participation de Charlie Chaplin pour une conférence sur le mouvement Dada. 38 conférenciers se relaient pour la lecture de manifestes : « Plus de peintres, plus de littérateurs, plus de musiciens, [...], plus d'armées, plus de police, plus de patries, enfin assez de toutes ces imbécillités, plus rien, plus rien, rien, rien, RIEN, RIEN, RIEN. »[9]
  • 7 février
    Au Club du Faubourg (association ouvrière sise à Paris 17e), Breton lit le « Manifeste Dada 1918 » de Tristan Tzara dans une ambiance houleuse.[10]
  • À Berlin, publication de l'« Almanach Dada ».[11]

[modifier] Mars

  • 8 mars
    Erik Satie « Musique d'ameublement »
    « Une musique que l'on se doit de jouer pour qu'on ne l'écoute pas » exécutée en public à la galerie Barbazanges. [12]
  • 21 mars
    Les parents de Breton, informés des manifestations et des scandales de Dada, menacent de lui couper les vivres s'il persiste dans ses activités « déshonorantes ». Par souci d'apaisement, il accepte un emploi de coursier à la "NRF". Il est également chargé de lire à haute voix à Marcel Proust les épreuves de « Du Côté de Guermantes » à raison de 50 Francs par séance.[13]
  • 27 mars
    « Festival manifeste presbyte »[14] organisé par Picabia au Théâtre de l'Œuvre.
    Représentations de :
    « Vous m'oublierez » et de
    « S'il vous plaît », écrits par Breton et Soupault, interprêtés par Éluard et Gala : « Il m'arrive de faire les cent pas pendant des heures entre deux numéros de maison ou quatre arbres d'un square. Les promeneurs sourient de mon impatience, mais je n'attends personne »,
    « La Première aventure céleste de Monsieur Antipyrine » de Tzara.
    Lecture par Picabia de son « Manifeste cannibale »,
    exécution par des choristes de « Vaseline symphonique ».
    Breton porte, comme un homme-sandwich, une affiche signée Picabia sur laquelle on peut lire : « Pour que vous aimiez quelque chose il faut que vous l'ayez vu et entendu depuis longtemps tas d'idiots ».[15].

[modifier] Avril

  • Antonin Artaud est confié par sa famille aux bons soins du docteur Édouard Toulouse, psychiatre reconnu et directeur de l'asile de Villejuif. Celui-ci l'accueille et le nomme co-secrétaire de rédaction de sa revue culturelle "Demain". Artaud y publie des comptes rendus de livres, de salons et de spectacles et aussi des poèmes.
  • Louis Aragon
    « Suicide » : « A b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z ».[16]
  • Publication à Cologne, de la revue Dada "Die Schammade" créée par Max Ernst et Johannes Baargeld :
    32 pages de papier vert ou rose pâle, format 25,5 x 32,5 cm, impression à l'encre rouge.[18]

[modifier] Mai

  • Publication des « 23 Manifestes Dada » dans "Littérature".[19]
  • 21 mai
    Parution du premier numéro de la revue "Projecteur"[20] au format de 23 cm x 10, entièrement écrit par Céline Arnauld.
  • 26 mai
    Festival Dada à la salle Gaveau à Paris.[21]
  • 30 mai
    André Breton et Philippe Soupault
    « Les Champs magnétiques »,
    avec les portraits des auteurs par Francis Picabia[22] :
    « Prisonniers des gouttes d'eau, nous ne sommes que des animaux perpétuels ».
    Accueil favorable de la critique. André Malraux écrit dans "Action" : « Ce livre créé un poncif au point que c'est lui que citeront les critiques de 1970 lorsqu'il sera question de l'état d'esprit des artistes de 1920. »[23]

[modifier] Juin

  • 5 juin
    Première Foire internationale Dada à Berlin.[24]
  • Johannes Baader
    « Grand-Plasto-Dio-Dada-Drama »,
    architecture monumentale Dada en 5 étages, 3 jardins, un tunnel, 2 ascenseur et une fermeture en forme de cylindre.
    L'œuvre est détruite par son auteur à la fin de l'exposition.[25]
  • André Breton écrit dans la "NRF" un article sur les « Chants de Maldoror » de Lautréamont à l'occasion d'une réédition : « La vie humaine ne serait pas cette déception pour certains si nous ne nous sentions constamment en puissance d'accomplir des actes au-dessus de nos forces. On sait maintenant que la poésie doit mener quelque part. »[26]

[modifier] Juillet

  • Francis Picabia
    « Jésus Christ Rastaquouère », écrit.
    Breton a refusé d'en écrire la préface : « [...] pour ne pas avoir à me replacer dans une attitude qui a été la mienne et qui, en définitive, ne l'est plus. [...] Je ne suis même plus sûr que le dadaïsme ait gain de cause, à chaque instant je m'aperçois que je le réforme en moi. »[28]
  • À cause de quelques problèmes de santé, Breton part se reposer chez ses parents.
    Lettre à Jacques Rivière : « Je procède à une révision complète de mes idées qui pourra me conduire plus près de vous que je n'ai été encore »
    et à Picabia : « Vous savez mieux que quiconque combien je m'ennuyais à la "NRF". Je finissais par lasser mes amis et vous-même de mes façons d'agir : cela ne pouvait plus durer. En dépit des assurances que je vous donnais de temps à autre, vous preniez de jour en jour plus mauvaise opinion de moi. »[29]

[modifier] Août

  • 1er août
    La "NRF" publie un article de Breton « Pour Dada » qui répond à André Gide (« Le jour où le mot Dada fut trouvé, il ne resta plus rien à faire. Ces deux syllabes avaient atteint le but d'inanité sonore, un insignifiant absolu. ») : « Il m'est impossible de concevoir une joie de l'esprit autrement que comme un appel d'air. Comment pourrait-il se trouver à l'aise dans les limites où l'enferment presque tous les livres, presque tous les événements ? ».[30]
  • Jacques Rivière
    « Reconnaissance à Dada » :
    « Le langage pour les Dadas n'est plus un moyen, il est un être. Le scepticisme en matière de syntaxe se double ici d'une sorte de mysticisme. Même quand ils n'osent pas franchement l'avouer, les Dadas continuent de tendre à ce surréalisme qui fut l'ambition d'Apollinaire. »[31]
  • Lettre de Breton à Simone Kahn : « Vous savez comment les « Poésies » de Ducasse ont été faites : il retournait un proverbe, une pensée. [...] La Rochefoucauld : « L'amour de la justice n'est en la plupart des homme que la crainte de souffrir l'injustice. » - Ducasse : « que le courage de souffrir l'injustice. » [...] Voyez-vous l'intérêt profond de cette contradiction : c'est par elle, hélas, que Ducasse atteint à cette espèce de vérité angélique. Moi qui, Dieu merci, ne suis pas un littérateur, j'approuve entièrement la méthode du livre. Les « Poésies » d'Isidore Ducasse, ou le Paradis terrestre. »[32]

[modifier] Septembre

  • Séjour à Sarreguemines de Breton et Simone Kahn. Il fait la connaissance de Denise Lévy, la cousine de Simone.[33]

[modifier] Octobre

  • 19 octobre
    Réunion des surréalistes de "Littérature" qui décident de ne plus publier de texte littéraire et d'ouvrir la revue à la politique, à la sexualité, à la vie.[35]

[modifier] Décembre

  • Breton est présenté au couturier Jacques Doucet. Ce dernier, bibliophile et amateur d'art moderne, « personnalité éprise de rare et d'impossible, juste ce qu'il faut de déséquilibre »,[36] lui commande des lettres sur la littérature et la peinture ainsi que des conseils d'achat d'œuvres d'art, pour une rémunération de 500 F par mois.

[modifier] Cette année-là

  • Louis Aragon signe un contrat avec la "NRF" pour la publication prochaine de « Anicet ».[38]
    Avec Breton, ils projettent d'adhérer au parti socialiste mais sont découragés par l'accueil glacial qui leur est réservé.[39]
  • On recommande à Breton, une personne qui doit bientôt venir à Paris, s'y fixer et « qui voudrait se lancer dans la littérature ». Quelques jours plus tard, Benjamin Peret arrive.[40]
  • Arthur Cravan disparaît dans le Golfe du Mexique au cours d'une promenade en barque.

[modifier] Œuvres

  • Jean Arp
    « La Mise au tombeau des oiseaux et des papillons », assemblage de bois peint
    « Der Vogel selbdritt », poèmes illustrés de six gravures sur bois de l'auteur[47]
  • Otto Dix
    « Les Joueurs de skat »,
    « Le Marchand d'allumettes », [49] huiles sur toile
  • Marcel Duchamp
    « Fresh widow », fenêtre aux carreaux teintés de noir
    « Rotative plaque verre (optique de précision) »,[50] objet cinétique
  • Marcel Duchamp et Man Ray
    « Élevages de poussière »,
    photographie des traces inscrites (?) dans la poussière de l'atelier de Duchamp, du panneau inférieur du « Grand verre »
  • Max Ernst
    « Au-dessus des nuages marche la minuit »,[51]
    « Les Cormorans et les Flamands »,
    « 1 Kupferblech… »,[52]
    « L'Immortalité de Buonarotti »,[53]
    « Katharina Ondulata », collages
    « La Petite fistule lacrymale qui dit tic tac »,[54] huiles sur toile
  • George Grosz
    « Daum se marie avec son automate pédant… »,[56] aquarelle, dessin à la plume et collage,
    « Paysages industriels »,[57]
    « Republican automaton »,[58] huiles sur toile
Raoul Hausmann « Dada-cino »
Raoul Hausmann « Dada-cino »


  • Richard Huelsenbeck
    « En avant Dada »[63] :
    « Le dadaïste aime la vie parce qu'il peut s'en débarrasser à tout moment, la mort étant pour lui une affaire dadaïste. Le dadaïste envisage sa journée, sachant qu'un pot de fleurs peut lui tomber sur la tête. »
  • Joan Miró
    « La Table (nature morte au lapin) »,[64] huile sur toile
  • Man Ray
    « L'Impossible », peinture sur verre
    « The Coat-stand »,[67] modèle et objet composite
  • Rudolf Schlichter
    « Dada-Dachatelier (L'Atelier sur le toit) »,[68]
    « Die tote Welt »,[69], peintures
    « Usines miracles »,[70] collage
  • Georg Scholz
    « Industriebauren »,[71] huile sur toile
  • Kurt Schwitters
    « Formes dans l'espace »,[72]
    « Forces disjointes »,[73] peinture et assemblage de matériaux
  • Philippe Soupault
    « Rose des vents » :
    « L'avion tisse les fils télégraphiques
    et la source chante la même chanson
    au rendez-vous des cochers l'apéritif est orangé
    mais les mécaniciens des locomotives ont les yeux blancs
    la dame a perdu son sourire dans les bois. »
  • Sophie Taeuber
    « Taches quadrangulaires évoquant un groupe de personnage »,[74] huile sur toile
  • Tristan Tzara
    « Cinéma calendrier du cœur abstrait Maisons »

[modifier] Notes et références

  1. Daix, p. 86. Bonnet date cette première rencontre de décembre 1919 (OC 1, p. XXXIX).
  2. Daix, p. 86
  3. Daix, p. 88
  4. Scheler, p. LXI
  5. Daix, p. 96 et 99
  6. Daix, p. 91
  7. Daix, p. 96
  8. Bonnet, OC 1, p. XXXIX
  9. Daix, p. 103
  10. Bonnet, OC 1, p. XL
  11. Lemoine, p. 91
  12. Le Bon, p. 860
  13. Bonnet, OC 1, p. XL
  14. Lemoine, p. 78 et Scheler, p. LXII
  15. Photo dans Le Bon, p. 8
  16. Daix, p. 93
  17. Bonnet, OC 1, p. XLI
  18. Un seul numéro. Le Bon, p. 870
  19. Daix, p. 103
  20. Le Bon, p. 89
  21. Bonnet, OC 1, p. XL
  22. Bonnet, OC 1, p. XLI
  23. Daix, p. 70
  24. Lemoine, p. 31
  25. Lemoine, p. 43 et Le Bon, p. 117
  26. Daix, p. 103
  27. Bonnet, OC 1, p. XLI
  28. Lettre à Simone Kahn citée dans Bonnet, OC 1, p. XLI
  29. Daix, p. 108
  30. Daix, p. 105
  31. Daix, p. 107
  32. Daix, p. 53
  33. Bonnet, OC 1, p. XLI
  34. Scheler, p. LXII
  35. Daix, p. 109 et 111
  36. Lettre à Simone Kahn, Bonnet, OC 1, p. XLII
  37. Daix, p. 109
  38. Daix, p.102
  39. Daix, p.112
  40. « Nadja », Breton, OC 1, p. 659
  41. Lemoine, p. 91
  42. Daix, p. 116
  43. "Art press", janvier 2007
  44. Breton, "SP", p.58
  45. Angliviel, p. 169
  46. Lemoine, p. 36
  47. Le Bon, p. 149
  48. Le Bon, p. 5
  49. Lemoine, p. 53 et 54
  50. Lemoine, p. 74
  51. Breton, "SP", p. 27
  52. Lemoine, p. 65
  53. Le Bon, p. 18
  54. Breton, "SP", p. 25
  55. Le Bon, p. 270
  56. Lemoine, p. 46
  57. Lemoine, p. 48
  58. Biro, p. 18
  59. Lemoine, p. 48
  60. Le Bon, p. 261
  61. Gabriele Crepaldi « L'Art moderne 1900-1945 », Gründ, 2006, p. 204
  62. Lemoine, p. 34
  63. Lemoine, p. 91
  64. "L'Œil" n°588, février 2007, p. 17
  65. Lemoine, p. 84
  66. Lemoine, p. 67
  67. Le Bon, p. 1
  68. Le Bon, p. 873 et Lemoine, p. 51
  69. Le Bon, p. 873
  70. Le Bon, p. 873
  71. Le Bon, p. 876
  72. Breton, "SP", p. 60
  73. Lemoine, p. 57
  74. Le Bon, p. 929

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