Algèbre géométrique

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En mathématiques, une algèbre géométrique est une algèbre multilinéaire avec une interprétation géométrique (le terme est aussi utilisé dans un sens plus général pour décrire l'étude et l'application de ces algèbres : l'algèbre géométrique est l'étude des algèbres géométriques). Officieusement, une algèbre géométrique est une algèbre de Clifford qui inclut un produit géométrique.

L'algèbre géométrique est utile dans les problèmes de physique qui impliquent des rotations, des phases ou des nombres imaginaires. Les partisans de l'algèbre géométrique disent qu'elle fournit une description plus compacte et intuitive de la mécanique quantique et classique, de la théorie électromagnétique et de la relativité. Les applications actuelles de l'algèbre géométrique incluent la vision par ordinateur, la biomécanique ainsi que la robotique et la dynamique des vols spatiaux.

Sommaire

[modifier] Le produit géométrique

Une algèbre géométrique \mathcal{G}_n(\mathcal{V}_n) est une algèbre construite sur un espace vectoriel \mathcal V_n dans lequel un produit géométrique est défini. Les éléments de l'algèbre géométrique sont des multivecteurs. Le produit géométrique possède les propriétés suivantes, pour tous les multivecteurs \mathbf{A}, \mathbf{B}, \mathbf{C} :

  1. Clôture
  2. Distributivité sur l'addition des multivecteurs :
    • \mathbf{A}(\mathbf{B} + \mathbf{C}) = \mathbf{A}\mathbf{B} + \mathbf{A}\mathbf{C}
    • (\mathbf{A} + \mathbf{B})\mathbf{C} = \mathbf{A}\mathbf{C} + \mathbf{B}\mathbf{C}
  3. Associativité
  4. Elément unité (scalaire) :
    •  1 \, \mathbf A = \mathbf A
  5. Contraction tensorielle : pour tout "vecteur" (un élément de degré un) \mathbf{a}, \mathbf{a}^2 est un scalaire (nombre réel)
  6. Commutativité du produit par un scalaire :
    •  \lambda \mathbf A = \mathbf A \lambda

Les propriétés (1) et (2) sont parmi celles nécessaires pour une algèbre sur un corps. (3) et (4) signifient qu'une algèbre géométrique est une algèbre associative unitaire.

Le point distinctif de cette formulation est la correspondance naturelle entre les entités et les éléments de l'algèbre associative. Ceci provient du fait que le produit géométrique est défini en termes de produit vectoriel et produit scalaire de vecteurs comme

 \mathbf a \, \mathbf b = \mathbf a \cdot \mathbf b + \mathbf a \wedge \mathbf b

L'espace vectoriel original \mathcal V est construit sur les nombres réels comme scalaires. Dorénavant, un vecteur est quelque chose dans \mathcal V lui-même. Les vecteurs seront représentés par des symboles en minuscules grasses.

La définition et l'associativité du produit géométrique nécessitent le concept d'inverse d'un vecteur (ou division par un vecteur). Ainsi, on peut facilement établir et résoudre des équations algébriques vectorielles qui autrement seraient encombrantes à manipuler. De plus, on gagne une signification géométrique qui serait difficile à rechercher, par exemple, en utilisant les matrices. Malgré le fait que tous les éléments ne sont pas inversibles, le concept d'inversion peut être étendu aux multivecteurs. L'algèbre géométrique permet que l'on traite des sous-espaces directement, ainsi que leur manipulation. En outre, l'algèbre géométrique est un formalisme sans coordonnées.

Les objets géométriques comme  \mathbf a \wedge \mathbf b sont appelés des bivecteurs. Un bivecteur peut être décrit comme un segment plan (un parallélogramme, un cercle etc.) doté d'une orientation. Un bivecteur représente tous les segments planaires avec la même grandeur et direction, quel que soit l'endroit où ils se trouvent dans l'espace qui les contient. Néanmoins, une fois que soit le vecteur  \mathbf a ou  \mathbf b est signifié à partir d'un certain point préféré (e.g. dans les problèmes de physique), le plan orienté  B=\mathbf a \wedge \mathbf b est déterminé sans ambiguïté.

Comme exemple significatif, bien que simple, on peut considérer un vecteur différent de zéro  \mathbf v , à partir d'un point choisi comme origine, dans l'espace euclidien usuel, \mathbb{R}^3. L'ensemble de tous les vecteurs  \mathbf x \wedge \mathbf v = B , B désignant un bivecteur donné contenant  \mathbf v , détermine une ligne l parallèle à  \mathbf v . Puisque B est une aire orientée, l est uniquement déterminé en conservant l'origine choisie. L'ensemble de tous les vecteurs  \mathbf x \cdot \mathbf v = s , s désignant un scalaire (réel) donné, détermine un plan P orthogonal à  \mathbf v . De nouveau, P est uniquement déterminé en conservant l'origine choisie. Les deux morceaux d'information, B et s, peuvent être établis indépendamment l'un de l'autre. Maintenant, quel est le vecteur  \mathbf y qui satisfait le système { \mathbf y \wedge \mathbf v = B ,  \mathbf  y \cdot \mathbf v = s } ? Géométriquement, la réponse est claire : c'est le vecteur qui part de l'origine et aboutit à l'intersection de l et P. Par l'algèbre géométrique, même la réponse algébrique est simple :  \mathbf y \mathbf  v = s + B  \Rightarrow  \mathbf y = (s + B)/ \mathbf v = (s + B) \mathbf v -1, où l'inverse d'un vecteur différent de zéro est exprimé par  \mathbf z -1  = \mathbf z /(\mathbf z \cdot \mathbf z ) . Note : La division par un vecteur transforme le multivecteur s + B en une somme de deux vecteurs. De plus, la structure de la solution ne dépend pas de l'origine choisie.

Tel qu'il est défini, le produit externe (ou produit extérieur, ou produit vectoriel) \wedge engendre l'algèbre graduée (algèbre extérieure de Hermann Grassmann) \wedge^n\mathcal{V}_n des multivecteurs. Un multivecteur est ainsi une somme directe d'éléments de degré k (k-vecteurs), où k va de 0 (scalaires) à n, la dimension de l'espace vectoriel original \mathcal V. Les multivecteurs sont représentés ici par les majuscules grasses. Note : Les scalaires et les vecteurs deviennent des cas particuliers de multivecteurs ("0-vecteurs" et "1-vecteurs", respectivement).

[modifier] La règle de contraction

La connexion entre les algèbres de Clifford et les formes quadratiques provient de la propriété de contraction. Cette règle donne aussi à l'espace une métrique définie par le produit interne naturellement dérivé. Il est aussi à noter que dans l'algèbre géométrique dans toute sa généralité, il n'existe pas une quelconque restriction sur la valeur du scalaire, il peut très bien être négatif, même zéro (dans ce cas, la possibilité d'un produit interne est éliminée si vous demandez \langle x, x \rangle \ge 0).

La règle de contraction peut être mise sous la forme :

Q(\mathbf a) = \mathbf a^2 = \epsilon_a {\Vert \mathbf a \Vert}^2

\Vert \mathbf a \Vert est le module du vecteur a et \epsilon_a=0, \, \pm1 est appelé la signature du vecteur a. Ceci est particulièrement utile dans la construction de l'espace de Minkowski (l'espace-temps de la relativité) via  \mathbb{R}_{1,3}\,. Dans ce contexte, les vecteurs nuls sont appelés "vecteurs de lumière", les vecteurs à signature négative sont appelés "vecteurs d'espace" et les vecteurs à signature positive sont appelés "vecteurs de temps" (ces deux dernières dénominations sont échangées lorsqu'on utilise \mathbb{R}_{3,1} à la place).

[modifier] Produits intérieur et extérieur

Le produit scalaire usuel et le produit vectoriel de l'algèbre vectorielle traditionnelle (sur \mathbb{R}^3\,) trouvent leurs places dans l'algèbre géométrique \mathcal{G}_3\, comme le produit interne

\mathbf{a}\cdot\mathbf{b} = \frac{1}{2}(\mathbf{a}\mathbf{b} + \mathbf{b}\mathbf{a})

(qui est symétrique) et le produit externe

\mathbf{a}\wedge\mathbf{b} = \frac{1}{2}(\mathbf{a}\mathbf{b} - \mathbf{b}\mathbf{a})

avec

\mathbf{a}\times\mathbf{b} = -i(\mathbf{a}\wedge\mathbf{b})

(qui est antisymétrique). La distinction entre vecteurs axiaux et polaires, obscure en algèbre vectorielle, est naturelle en algèbre géométrique, où elle s'exprime comme la distinction entre vecteurs et bivecteurs (éléments de degré deux). Le i ici est l'unité pseudoscalaire du 3-espace euclidien, qui établit une dualité entre les vecteurs et les bivecteurs, et est nommé ainsi à cause de la propriété prévue i^2 = -1\,.

Alors que le produit vectoriel peut seulement être défini dans un espace à trois dimensions, les produits interne et externe peuvent être généralisés à n'importe quelle dimension.

Soient \mathbf{a},\, \mathbf{A}_{\langle k \rangle} un vecteur et un multivecteur homogène de degré k. Leur produit interne est alors :  \mathbf a \cdot \mathbf A_{\langle k \rangle} = {1 \over 2} \, \left ( \mathbf a \, \mathbf A_{\langle k \rangle} + (-1)^{k+1} \, \mathbf{A}_{\langle k \rangle} \, \mathbf{a} \right ) = (-1)^{k+1} \mathbf A_{\langle k \rangle} \cdot \mathbf{a} et leur produit externe est

 \mathbf a \wedge \mathbf A_{\langle k \rangle} = {1 \over 2} \, \left ( \mathbf a \, \mathbf A_{\langle k \rangle} - (-1)^{k+1} \, \mathbf{A}_{\langle k \rangle} \, \mathbf{a} \right ) = (-1)^{k} \mathbf A_{\langle k \rangle} \wedge \mathbf{a}

[modifier] Applications de l'algèbre géométrique

Un exemple utile est \mathbb{R}_{3, 1}, et la façon dont il engendre \mathcal{G}_{3, 1}, un exemple d'algèbre géométrique appelé appelé algèbre de l'espace-temps par Hestenes. Le champ tensoriel électromagnétique, dans ce contexte, devient juste un bivecteur \mathbf{E} + i\mathbf{B} où l'unité imaginaire est l'élément de volume, donnant un exemple de réinterprétation géométrique de "tours" traditionnels.

Les accélérations dans cet espace métrique lorentzien ont la même expression e^{\mathbf{\beta}} que la rotation dans l'espace euclidien, où \mathbf{\beta} est bien sûr le bivecteur engendré par le temps et les directions d'espace impliquées, considérant dans le cas euclidien que c'est le bivecteur engendré par les deux directions d'espace, renforçant l'"analogie" de la quasi-identité.

[modifier] Histoire

L'algèbre géométrique de David Hestenes et al. (1984) réinterprête les algèbres de Clifford sur les réels et son objectif est de revenir au nom et à l'interprétation que Clifford avait originellement prévus. L'ouvrage d'Emil Artin Geometric Algebra discute des algèbres associées avec chacune des nombreuses géométries, dont la géométrie affine, la géométrie projective, la géométrie symplectique et la géométrie orthogonale.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Références

  • Baylis, W. E., ed., 1996. Clifford (Geometric) Algebra with Applications to Physics, Mathematics, and Engineering. Boston: Birkhäuser.
  • Baylis, W. E., 2002. Electrodynamics: A Modern Geometric Approach, 2nd ed. Birkhäuser. ISBN 0-8176-4025-8
  • Nicolas Bourbaki, 1980. Eléments de Mathématique. Algèbre. Chpt. 9, "Algèbres de Clifford". Paris: Hermann.
  • Chris Doran and Anthony Lasenby, 2003. Geometric Algebra for Physicists. Cambridge Univ. Press.
  • David Hestenes and Sobczyk, G., 1987. Clifford Algebra to Geometric Calculus. Sprinver Verlag.
  • Hestenes, D., 1999. New Foundations for Classical Mechanics, 2nd ed. Springer Verlag.
  • Lasenby, J., Lasenby, A. N., and Doran, C. J. L., 2000, "A Unified Mathematical Language for Physics and Engineering in the 21st Century," Philosophical Transactions of the Royal Society of London, A 358: 1-18.

[modifier] Liens externes

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