Conditionnel
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Le conditionnel est un mode de la langue française, ayant des équivalents dans quelques langues. Il est employé pour exprimer une action soumise à une précondition, ou pour rapporter des faits tout en exprimant un doute à leur sujet.
Une proposition au conditionnel s'emploie généralement couplée avec une proposition à l'imparfait de l'indicatif, ou au passé simple dans certains cas d'utilisation. Cette proposition peut aussi être sous-entendue. Dans les emplois du conditionnel employant ce couplage, on peut réécrire la phrase en remplaçant l'imparfait (ou passé simple) par le présent et le conditionnel par le futur simple, mais le sens en est modifié.
Le conditionnel est également employé au lieu du présent de l'indicatif pour ne pas modifier le temps de la phrase mais exprimer qu'on tient cette information d'une source non fiable; dans ce cas-là, le couplage avec l'imparfait n'est pas nécessaire.
Sommaire |
[modifier] Morphologie
Dans la plupart des langues romaines, futur et conditionnel se sont formés à partir d'une périphrase composée de l'infinitif du verbe concerné et de l'auxiliaire avoir conjugué au présent (pour le futur) ou à l'imparfait (pour le conditionnel). Soit, pour le verbe cantare, les formes *cantare habeo et *cantare habebam (j'ai à chanter, j'avais à chanter). On suppose que cette tendance à la périphrase, déjà présente en latin classique, s'est imposée lorsque le futur, malmené par l'évolution phonétique, devenait de moins en moins discernable. Quant au conditionnel, il n'existait pas en latin. On peut remarquer que l'usage de futurs périphrastiques est une constante de la langue, et que des formes telles que « je vais partir » ou « je dois partir » sont fréquemment utilisées dans le langage courant.
[modifier] Emplois dans la langue française
Le parallélisme entre futur et conditionnel se vérifie au niveau de l'emploi de ces deux temps (ou plutôt quatre, en comptant le futur antérieur et le conditionnel passé, qui s'ajoutent au futur « simple » et au conditionnel présent). Certains grammairiens, notamment au niveau scolaire, distinguent des valeurs temporelles et des valeurs modales du futur et du conditionnel. L'idée n'est pas mauvaise en soi, même si elle est surtout utilisée pour tenter de surmonter l'absurdité objective qu'il y a à considérer le conditionnel comme un mode, et pas le futur.
[modifier] Fait soumis à une condition
C'est cet emploi qui a valu au conditionnel son nom. Les exemples suivants sont appelés par les grammaires traditionnelles potentiel, irréel du présent et irréel du passé, selon un schéma calqué sur le latin :
- Potentiel : « Si tu venais demain, je serais content. » (sous-entendu : tu as encore le temps de venir)
- Irréel du présent : « Si tu venais aujourd'hui, je serais content. » (sous-entendu : tu es trop loin pour venir rapidement)
- Irréel du passé : « Si tu étais venu hier, j'aurais été content. » (sous-entendu : tu n'es pas venu de toute façon)
On note qu'en français, au contraire du latin, il n'existe aucune distinction morphologique entre le potentiel et l'irréel du présent : la différence est sémantique et se fait grâce au contexte.
On peut également traduire certaines clauses conditionnelles par le futur de l'indicatif ; on parle de futur à valeur modale de conditionnel ou hypothétique :
- Hypothétique : « Si tu viens demain, je serai content. »
[modifier] Expression d'une hypothèse
Une valeur propre au conditionnel, mais aussi au futur antérieur. Dans le premier cas on a affaire à une hypothèse fréquemment employée par les journalistes pour bien montrer qu'ils ne reprennent pas à leur compte le fait qu'ils citent (procédé de modalisation). Dans le second cas, il s'agit souvent de se rassurer en transformant une hypothèse en quasi-certitude :
- « Le tueur serait caché dans les bois environnants ; il aurait violé sa victime avant de l'égorger. » (conditionnel)
- « Jean-Pierre est en retard ; il aura sans doute été retardé par les embouteillages. » (futur antérieur)
L'usage fait par les journalistes a débouché sur l'expression désignant une information incertaine « une information à mettre au conditionnel » (on la trouve dans la chanson Au conditionnel du disque Archie Kramer de Matmatah).
[modifier] Expression de l'imaginaire
Là encore, futur et conditionnel peuvent être mis en parallèle. Par exemple dans ce jeu enfantin, le futur indique comment va se réaliser le jeu, tandis que le conditionnel expose quelles pourraient être les conditions de ce jeu :
- « Moi je serai le docteur et toi tu seras le malade. » (futur)
- « Moi je serais le docteur et toi tu serais le malade. » (conditionnel)
Le conditionnel traduit ici une plus faible certitude quant à l'envie de l'autre enfant de se joindre au jeu, ou une demande implicite de l'accord de la partenaire.
[modifier] Demande polie
On a affaire à des tournures utilisant les verbes pouvoir ou vouloir comme semi-auxiliaires. Une fois de plus, ce genre de phrase peut faire usage du futur ou du conditionnel, tout étant une affaire de nuances :
- « Pourras-tu faire la vaisselle ? » (futur)
- « Pourriez-vous me passer le sel ? » (conditionnel)
- « Voudriez-vous bien fermer la porte ? » (conditionnel)
Le conditionnel apporte un degré de politesse de plus par rapport au futur.
[modifier] L'expression du futur
Dans le discours indirect, la concordance des temps impose que, lorsque la principale est à un temps du passé, le conditionnel présent se substitue au futur (on parle de futur dans le passé). Ainsi la phrase :
- « Dès qu'il ne pleuvra plus, j'irai chercher des champignons. »
devient, dans un récit au discours indirect au présent :
- « Jacques annonce que, dès qu'il ne pleuvra plus, il ira chercher des champignons. »
mais devient, au passé :
- « Jacques annonça que, dès qu'il ne pleuvrait plus, il irait chercher des champignons. »
Cette valeur du conditionnel est essentielle, car c'est certainement la plus fréquente dans les textes écrits, qu'on utilise le discours indirect ou le discours indirect libre. Le conditionnel y joue le rôle de futur par rapport au passé, tout à fait conforme à sa morphologie. Cet emploi pousse certains linguistes (mais ce point est très disputé) à considérer le conditionnel comme un temps de l'indicatif (voir plus loin statut de mode).[1]
[modifier] Le conditionnel dans d'autres langues
Liste des langues utilisant le conditionel à l'exemple du verbe chanter (non-exhaustive):
Français Conditionnel présent chanter |
Italien Condizionale presente cantare |
Espagnol Condicional presente cantar |
Anglais Conditional present to sing |
Allemand Konditional präsens singen |
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je chanterais | io canterei | yo cantaría | I would sing | ich würde singen |
tu chanterais | tu canteresti | tú cantarías | you would sing | du würdest singen |
il chanterait | egli canterebbe | el/ella cantaría | he would sing | er/sie(*)/es würde singen |
nous chanterions | noi canteremmo | nosotros cantaríamos | we would sing | wir würden singen |
vous chanteriez | voi cantereste | vosotros cantaríais | you would sing | ihr würdet singen |
ils chanteraient | essi canterebbero | ellos cantarían | they would sing | sie/Sie(*) würden singen |
(*)En allemand, le pronom personnel "sie" correspond à "ils" ou "elle(s)" en français, alors que "Sie" correspond à la forme de vouvoiement.
[modifier] Mode ou temps ?
Le terme même de conditionnel est contesté à cause des nombreux usages autres que le fait soumis à une condition.
Le conditionnel est considéré par les grammaires traditionnelles et scolaires comme un mode. Cependant, au moins dans la langue française, sa morphologie et ses divers emplois montrent que tous ses usages sont aussi valables, à une nuance de sens près, pour le futur simple, temps de l'indicatif. Dans ces conditions, il est malaisé d'en faire un mode, ou bien il faudrait envisager un mode incluant à la fois conditionnel et futur (solution proposée par Henri Yvon, qui appelait ce mode suppositif). D'ailleurs l'utilisation du conditionnel pour exprimer le futur a été classé par certains linguistes comme un cinquième temps de l'indicatif, le conditionnel-temps. Cela amènerait donc à placer le futur et le conditionnel dans deux modes à la fois, à cause de leurs différents usages.
Autre solution : considérer que le futur et le conditionnel sont tous deux des temps de l'indicatif. C'est ce que proposait le linguiste Gustave Guillaume, qui suggérait d'appeler le premier futur catégorique et le second futur hypothétique. Cela éviterait de dupliquer un temps en le faisant apparaître dans deux modes. Les théoriciens de l'enseignement au Québec recommandent d'ajouter également le futur immédiat (Je vais venir dans une minute)