Déflation

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En économie, la déflation caractérise une période suffisamment longue durant laquelle une baisse générale des prix est observée. Le phénomène opposé (hausse des prix) est l'inflation. En règle générale, la déflation est la traduction d'un net ralentissement ou d'une baisse de la demande, et elle est associée à une période peu favorable à l'activité économique. Néanmoins, une période économiquement morose n'est pas forcément conjuguée à une déflation.

La déflation peut être économiquement définie comme un mouvement persistant à la baisse, au fil du temps, du prix moyen des biens et des services, c'est-à-dire du coût de la vie. Il ne s'agit pas simplement de la baisse du prix d'un bien ou même de celui d'un secteur d'activité, mais de l'ensemble des prix.

La déflation ne doit pas être confondue avec la désinflation qui est un ralentissement du taux d'inflation, c'est-à-dire que le niveau général des prix augmente moins vite.

Une déflation a des conséquences néfastes sur l'économie, puisqu'elle décourage l'investissement (en rendant moins attractif l'emprunt qui le finance généralement) et, lorsque le consommateur anticipe que la déflation va se prolonger, va l’inciter différer sa consommation en thésaurisant (une même somme d'argent permettra d'acheter davantage de biens dans le futur, par rapport à un achat immédiat). Si une baisse temporaire des prix entraîne en général une augmentation de la consommation (« effet prix »), le phénomène de thésaurisation prend le dessus sur l'effet prix au cours des déflations prolongées.

Sommaire

[modifier] Théorie et description

Le niveau des prix se comprend généralement comme l'indice des prix à la consommation (IPC). Son évolution est déconnectée de celles des actifs financiers ou immobiliers.

Cette situation n'est pas forcément bénéfique pour les salariés, dont les revenus peuvent simultanément diminuer (les salaires étant cependant souvent rigides à la baisse).

Les agents économiques ayant des dettes souffrent particulièrement de la déflation, car leurs créances nominales demeurent constantes alors qu'en termes réels elles représentent davantage de pouvoir d'achat.

Les banques centrales s'inquiètent de la déflation parce que beaucoup d'outils de la politique monétaire deviennent inefficaces, et de plus la déflation peut conduire par un cercle vicieux à une spirale déflationniste. Depuis le début du XXe siècle, les violents épisodes de déflation sont liés à l'éclatement de bulles spéculatives dans les actions et l'immobilier. Le thème a ressurgi à l'occasion de la déflation observée au Japon depuis 1991 à la suite du krach boursier et immobilier qui a suivi la bulle spéculative japonaise. Le « spectre » de la déflation a été évoqué en Occident lors de la crise boursière de 2001 et pourrait ressurgir à l'occasion d'une correction du marché immobilier mondial.

[modifier] Un peu d'histoire

À la fin du XIXe siècle il y eut une longue période de déflation, mais, durant laquelle la croissance était soutenue. Cette déflation était due à deux chocs technologiques majeurs : la diffusion de l'énergie électrique et la révolution des transports. Durant cette période le prix des actifs a diminué de façon continue. Cette déflation là reste cependant un cas atypique.

Une autre période de déflation générale, à laquelle on fait le plus souvent référence, est celle des années 1930 après l'effondrement des actifs boursiers de 1929. Entre décembre 1929 et mars 1933, les prix avaient baissé de 27% aux États-Unis ; ce net recul traduisit alors un effondrement de la demande et donc de l'activité. L'emploi baissa de 16% en trois ans et l'ensemble des salaires versés subit un recul de plus de 40%, créant dans le pays une situation dramatique.

Quelques économistes pensent que l'on observe des risques importants de déflation au Japon, à Hong-Kong et en Allemagne, alors que pour les États-Unis et la France, le risque serait plus limité[1],[2].

[modifier] Baisse des prix et baisse des revenus

La déflation a des effets importants sur la répartition des revenus en provoquant des déséquilibres douloureux dans les comptes des entreprises et en minant l'efficacité des politiques économiques. Cet effet sur la répartition du revenu a été mis en évidence dans un célèbre article d'Irving Fisher, paru en 1933 et dans lequel il montre comment, dans les périodes de déflation, les agents économiques endettés voient leur situation se dégrader rapidement.

Si le montant de la dette est d'un montant fixe, la déflation va avoir pour effet d'augmenter le poids de son remboursement, ceci relativement aux autres postes de dépenses, ce qui va alors engendrer, de façon globale, une réduction de la demande et donc de l'activité. Les principaux bénéficiaires d'une déflation sont donc les créanciers, par contre, les plus importants consommateurs, ceux qui ont tendance à consommer la plus grande part de leur revenu, sont aussi souvent ceux qui sont le plus endettés, d'où l'effet hautement négatif sur l'économie, l'argent allant de ceux qui le dépensent vers ceux qui le thésaurisent.

En conséquence, plus le niveau d'endettement d'une économie est grand (ratio dette totale/PIB), plus une période de déflation a des effets néfastes. Durant le XIXe siècle, la croissance du crédit était limitée par les faibles infrastructures bancaires et la parité or des monnaies. En 1932 le niveau d'endettement a connu un maximum historique aux États-Unis. L'endettement a ensuite progressivement baissé jusqu'au milieu des années 1950. Il a depuis fortement augmenté et se situe désormais bien au dessus du niveau atteint en 1929.

Un autre résultat de la déflation est le fait que les consommateurs peuvent être incités à reporter leurs achats afin de bénéficier de prix ou de promotions qu'ils espèrent toujours plus attractifs; ce phénomène, en reportant l'acte d'achat est donc, également, hautement négatif sur le niveau général de l'activité.

En résumé, plus la part de la consommation dans le PIB est élevée dans une économie et plus la déflation fait peser des risques importants. Jusqu'en 2007 et la crise du subprime, la part de la consommation dans le PIB américain était bien au dessus des normes historiques et ce phénomène bien qu'à un moindre niveau, était commun à l'ensemble des pays développés.

Dans une période de déflation, les entreprises subissent une réduction de leurs marges du fait que leurs prix de vente baissent alors que les coûts de production demeurent relativement fixes. Cette stabilité est essentiellement la résultante, non seulement, des contrats à long terme passés avec les fournisseurs, mais surtout de la stabilité des salaires liés aux contrats de travail et/ou aux conventions collectives. Certes, avec le temps, un ajustement s'opère, mais toujours avec du retard, ce qui mine la rentabilité générale des entreprises, les fragilisent et augmente les risques de faillites.

[modifier] Des remèdes limités

Pour lutter contre la déflation, les banques centrales ont seulement la possibilité de répondre par une baisse des taux d'intérêt, mais il y a alors deux limites majeures à cette politique :

  • le potentiel de baisse des taux d'intérêt est naturellement limité car, si ceux-ci peuvent être nuls, voire légèrement négatifs (voir Taux d'intérêt négatifs — comme, par exemple, en Suisse en 1979 —), ils ne peuvent pas descendre durablement très en dessous de 0%.
  • mais surtout une baisse des taux peut conduire à reporter le problème à plus tard en l'aggravant. Les acteurs économiques très endettés et disposants d'actifs importants (immobilier, actions), profitent de la baisse des taux pour s'endetter un peu plus. On peut alors voir apparaître des bulles dans le prix de l'immobilier, des actions et ou des matières premières.

L'expérience montre qu'il est de fait très difficile de sortir d'une période de déflation par une baisse des taux d'intérêt. Le Japon est englué dans la déflation depuis le krach boursier et immobilier qu'il a connu en 1990. Pourtant il a maintenu depuis une politique de taux 0.

Les autorités décisionnelles qui ont la responsabilité des politiques économiques doivent donc être très vigilantes, afin d'intervenir le plus en amont possible, et de tenter de modifier les anticipations d'achats. C'est pour cette raison, que les autorités monétaires américaines, européennes, mais aussi le FMI n'hésitent pas à mettre l'accent sur ce risque, avec comme objectif justement d'affecter les anticipations des agents économiques.

Une proposition plus radicale : les banques centrales nationales pourraient pratiquer les "parachutages de billets par hélicoptère" — l'expression helicopter drop est une métaphore classique dans le monétarisme, où elle sert à caractériser une création monétaire exogène. Concrètement la banque centrale financerait directement la dépense de l'État qui par exemple accorderait des aides financières aux ménages. Cette solution est politiquement difficile à mettre en œuvre parce qu'elle suppose d'acter politiquement que les dettes actuelles seront remboursées en "monnaie de singe". Une telle pratique est ouvertement inflationniste, elle porte tort aux banques et autres acteurs privés qui vivent de la hausse continue de l'endettement et de la création de monnaie par ce biais. De plus en Europe, les dépenses des États nationaux sont très étroitement surveillées dans le cadre des règles de gestion régissant la monnaie européenne, l'euro, et il apparaît peu plausible que la banque centrale européenne prenne en charge les déficits nationaux.

Cette politique de compensation de la baisse de l'endettement par une hausse de la création de monnaie par la banque centrale est plus facile lorsque la monnaie de la banque centrale (billets, pièces, réserves obligatoires) représente un pourcentage élevée de la masse monétaire totale. Il faut noter que depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les banques centrales contrôlent une part chaque jour plus réduite de la masse monétaire. Les billets et pièces, qui représentaient encore près de 25 % de la masse monétaire en 1950, en représentent désormais moins de 5 % — de l'ordre de 1 % pour les pays développés. Les banques centrales sont donc de moins en moins bien placées pour contrecarrer une baisse de l'encours de l'endettement et de la création monétaire privée afférente.

[modifier] La déflation au Japon

Le Japon a connu depuis la fin des années 1990 une situation monétaire particulière marquée par une grave crise déflationniste.

L'économie japonaise plonge dans la récession après l'éclatement de la bulle spéculative japonaise en 1991. La Banque du Japon décide alors de baisser graduellement les taux d'intérêt jusqu'à 0,5 % en 1995. Du début de 1999 au milieu de 2000, devenue indépendante du pouvoir central, elle abaisse le taux d'intérêt à 0 % (Zero Interest Rate Policy). En mars 2001, elle adopte une politique dite d'« assouplissement quantitatif » qui tente d'accroître la liquidité et de faciliter le recours au crédit :

  • émission massive de monnaie.
  • achat de bons du Trésor japonais.
  • large augmentation du montant des réserves des banques commerciales déposées auprès de la banque centrale.

Le Japon renoue avec la croissance à partir de 2003 au point que, début 2006, le Japon semble avoir vaincu la déflation. Le premier ministre libéral Jun'ichirō Koizumi déclare que « l'on observe des signes de sortie de la déflation ». Pour la première fois depuis huit ans, les prix ont en effet augmenté pendant trois mois d'affilée et le PIB du pays a gagné 2,8 % en 2005. Toutefois, la consommation des ménages salariés a baissé dans le même temps de 4,7 %. Le 9 mars, la Banque du Japon renonce officiellement au principe de l'assouplissement quantitatif, tout en maintenant pour le moment les taux d'intérêt à zéro. La monnaie japonaise a beaucoup baissé, sous l'effet des comportements d'arbitrage privés (carry trade) qui empruntent au Japon à des taux faibles pour investir aux Etats-Unis (notamment) à des taux plus élevés. Le Japon a renoué avec des excédents commerciaux très importants. Ces deux facteurs indiquent que le Japon a eu tendance à exporter sa déflation et à renouer avec une inflation interne sous l'effet du reste du monde plus que par des modifications internes.

[modifier] Notes et références

  1. http://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/r86/r86-2.pdf
  2. http://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=REOF_086_0031

[modifier] Voir aussi

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