Dette publique
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
La dette publique est l'ensemble des engagements financiers futurs sous formes d'emprunts de la part de l'État, des collectivités publiques et des organismes qui en dépendent directement (entreprises publiques, sécurité sociale…). La délimitation exacte de la dette publique, en particulier la comptabilisation des retraites ne fait pas l'objet d'un consensus (voir infra).
Au sein de la dette publique, on distingue la dette publique intérieure, détenue par les agents économiques résidents de l'État émetteur et la dette publique extérieure, détenue par des prêteurs étrangers.
La dette prend le plus souvent la forme d'emprunts d'État, quoique les pays les moins fiables au regard des marchés financiers puissent avoir recours aux banques commerciales ou à des institutions internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international, Banques régionales de développement).
On distingue également la dette de court terme (un an ou moins), à moyen terme (jusqu'à dix ans) et à long terme (au-delà de dix ans).
Sommaire |
[modifier] Délimitation
Selon la norme européenne de comptabilité nationale (SEC 95), la dette publique est l'ensemble des engagements financiers contractés par les administrations publiques, elles-mêmes définies comme
« Ensemble des unités institutionnelles dont la fonction principale est de produire des services non marchands ou d'effectuer des opérations de redistribution du revenu et des richesses nationales. Elles tirent la majeure partie de leurs ressources de contributions obligatoires. Le secteur des administrations publiques comprend les administrations publiques centrales, les administrations publiques locales et les administrations de sécurité sociale.[1] »
Cette définition ne règle pas la question de savoir si la dette doit intégrer les charges futures potentielles, comme les retraites des agents publics. En effet, sur le plan strictement légal, l'État français n'a pris aucun engagement financier à l'égard de ses agents, sans oublier qu'il peut modifier unilatéralement les conditions qu'il leur offre actuellement (par exemple : allonger la durée de service pour bénéficier d'une pension). Sur le plan politique, prendre en compte ces charges aurait représenté un défi que peu de forces politiques souhaitaient relever : le montant des dettes aurait été plus que doublé, les comparaisons avec le régime général aurait été facilitée, les engagements à l'égard des agents publics auraient été affichés, des provisions comptables aurait du être faites, etc. Par ailleurs le montant futur de ces charges ne sont pas connues avec certitude[2]. Une charge de ce type, dont la survenue, la date d'échéance ou le montant sont mal connus, doit normalement se traiter en comptabilité par la constitution d'une provision mais la tendance a été de comptabiliser ces dettes conditionnelles au titre des engagements hors bilan.
[modifier] Variation de la dette publique
[modifier] Solde primaire, intérêt de la dette et variations de la dette publique
D'une année sur l'autre, la dette s'accroît si le solde budgétaire est en déficit : le déficit bugétaire de l'année en cours s'ajoute, en effet, à la dette publique du passée. Au contraire, si le solde budgétaire est en excédent, la dette va diminuer.
Or, le solde budgétaire dépend : a) premièrement du solde primaire, c'est à dire de la différence entre les recettes de l'année et les dépenses de l'année : si l'État a plus dépensé qu'il n'a obtenu de recette, alors le solde est négatif : il y a un déficit primaire ; b) à ce solde primaire, il faut soustraire le paiement des intérêts dus sur la dette publique passée et que l'État doit rembourser l'année en cours. Au final on a donc :
solde budgétaire = solde primaire - intérêt de la dette
solde budgétaire =
avec SPt le solde primaire de l'année t, r le taux d'intérêt et Dt − 1 la dette de l'année t − 1
La dette publique de l'année t est égale à la dette publique de l'année t-1 à quoi on soustrait le solde budgétaire. En effet, si le solde est en excédent, c'est-à-dire qu'il a une valeur positive, il diminue la dette. Au contraire, si le solde est en déficit, qu'il est donc négatif, il accroît la dette. Par conséquent le dette publique de l'année t est égale à :
avec Dt la dette à la fin de l'année t.
Cette équation nous permet de voir que la dette dépend :
- de l'importance de la dette passée
- des taux d'intérêt
- du solde primaire
Plus les taux d'intérêt seront élevés, et plus la dette passée sera grande, plus l'État devra dégager un important excédent de son solde primaire, s'il souhaite diminuer la dette publique. Cela signifie qu'il ne suffit pas à un État d'avoir un solde primaire en équilibre pour maintenir sa dette : il lui faut en effet payer les intérêts sur sa dette passée, intérêts qui seront d'autant plus élevés que la dette passée est importante et que les taux d'intérêt sont forts. Pour que la dette soit stable, il faut donc que le solde primaire couvre au moins le remboursement du service de la dette.
[modifier] Les variations du taux d'endettement par rapport au PIB
Toutefois, l'indicateur le plus pertinent de la dette publique est le taux d'endettement, c'est à dire le rapport entre la dette publique et le PIB. A partir de l'équation au dessus (cf. encadré), on peut montrer qu'un État qui souhaite stabiliser son taux d'endettement doit avoir un solde primaire rapporté au PIB égal à :
La dynamique de la dette | |
---|---|
On a : Dt = (1 + r) * Dt − 1 − SPt (1) |
avec spt, le solde primaire par rapport au PIB (égal à SPt / Yt) ; dt − 1, le taux d'endettement de l'année t-1 (égal à Dt − 1 / PIB) ; r le taux d'intérêt et g le taux de croissance.
L'évolution du taux d'endettement dépend donc de la dette passée, des taux d'intérêt et de la croissance économique. En particulier, si la croissance économique est supérieure au taux d'intérêt, et que le solde primaire est simplement à l'équilibre, le taux d'endettement va baisser. L'État peut même, dans cette situation, avoir un solde primaire en déficit, tout en stabilisant sa dette. Au contraire, si le solde primaire est en équilibre, et que les taux d'intérêt sont supérieurs à la croissance économique, l'endettement va croitre. C'est ce qu'on appelle l'effet « boule de neige » de l'endettement : d'année en année, dans cette situation, avec un solde primaire en équilibre, l'endettement va augmenter de plus en plus. Dans la situation où les taux d'intérêt sont supérieurs au taux de croissance, un État qui souhaite stabiliser son taux d'endettement est donc contraint d'avoir un excédent de son solde primaire d'autant plus important que l'écart entre taux d'intérêt et taux de croissance est fort.
Au final, les variations de l'endettement dépendent :
- de l'écart entre les taux d'intérêt et le taux de croissance : pour un solde primaire donné, si cet écart est positif, cela a un effet négatif sur l'endettement. Par conséquent, des taux d'intérêt élevés ont un impact négatif sur l'endettement : s'ils sont supérieurs à la croissance, ils accroissent mécaniquement la dette publique, même avec un solde primaire en équilibre. Si l'écart entre les deux est très grand, cela peut aller jusqu'à un effet « boule de neige », où l'endettement n'est plus maitrisable, sauf à dégager de très importants excédents budgétaires. Au contraire, la croissance économique a un impact positif sur le taux d'endettement : si elle est supérieure au taux d'intérêt, elle permet de diminuer le taux d'endettement, même avec un solde primaire en déficit.
- du solde primaire : si celui-ci est en déficit, cela a un impact négatif sur le taux d'endettement.
[modifier] Création monétaire et réduction de l'endettement
Un Etat peut, toutefois, diminuer son endettement par une autre méthode, aujourd'hui abonné par les pays développés : en créant de la monnaie. La création monétaire peut être un moyen pour la puissance publique de combler sa dette — on dit alors qu'elle utilise « la planche à billets » ; ce financement se fait aux dépens de la valeur de la monnaie en circulation : davantage de monnaie pour une quantité donnée de production augmente l’inflation et vole les agents économiques (principalement les ménages) qui possèdent de la monnaie.
Cette technique n’est plus utilisée dans les pays développés depuis des décennies, où la gestion de la monnaie est confiée à une banque centrale indépendante ou quasi indépendante. La banque centrale pourrait elle-même procéder à l'émission monétaire, et le prêter à la puissance publique : l'effet économique serait alors identiques à l'émission directe par l’État, à la transparence près. En France avec la loi du 3 janvier 1973, les concours de la Banque de France aux financements publics, notamment les émissions de crédit sans intérêt, furent limités[3], puis ils furent interdits par le nouveau statut de la Banque de France en 1993[4].
[modifier] Niveau par pays
Dette publique (% du PIB) en 2006[5] | ||
---|---|---|
Pays | Dette publique | |
États-Unis | 61,5 | |
Zone euro | 69,1 | |
dont Allemagne | 67,9 | |
dont France | 63,9 | |
dont Italie | 106,8 | |
Japon | 178,3 | |
Royaume-Uni | 43,5 |
[modifier] En Belgique
Au début des années 1990, la dette publique s'élevait à 130 % du PIB et représentait une charge de 10 % du budget de l'État. La Belgique doit obtenir une dérogation aux critères de convergence pour faire partie de la zone euro en 1999, dans la mesure ou son endettement dépasse les 100 % fixés comme limite.
Suite à d'importants efforts budgétaires, notamment pour faire face aux conséquences du vieillissement démographique sur les finances publiques, la dette a été ramenée à 100 % du PIB en 2003, et se situe à 80,4 % en 2008, l'objectif est de la réduire jusqu'à 60 % pour respecter le pacte de stabilité et de croissance, ce qui devrait être réalisé en 2014 au rythme actuel.
En janvier 2008, la dette représente 288 milliards d'euros, la plus grande partie, soit 99,5 %, est en euros et négociable, c'est à dire qu'elle fait l'objet d'une cotation sur un marché. Les obligations linéaires représentent 78 %, et les certificats de Trésorerie 11 %.[6],[7],[8]
[modifier] Au Canada
Le Canada est souvent présenté[9] en modèle d’une réforme de l'État réussie et d’une gestion rigoureuse de sa dette publique.
Après une pointe de la dette fédérale du Canada à 68,4 % du PIB en 1994, la dette est retombée à 38,7 % en 2004, suite à une série d'excédents budgétaires dus à une politique de gestion de l'État rigoureuse (cf. politique de rigueur), inspirée des principes du libéralisme économique : en parallèle à la baisse du déficit, la part des dépenses publiques fédérales dans le PIB est passée de 19 % à 12 %, les dépenses publiques totales baissant d’environ 10 % entre 1992 et 2004[10]. L'objectif officiel est de descendre à 25 % du PIB vers 2015 et même avant, pour faire face au vieillissement de la population. Lors du budget fédéral le 26 février 2008, le gouvernement fédéral a annonçé des surplus budgétaire de plus de 10 milliard de dollars; ainsi qu'une baisse de la dette à 29% du PIB
[modifier] En France
En France, depuis le milieu des années 1970, la dette publique a augmenté pour atteindre 62,4 % du PIB au 2006. Son évolution est plus inquiétante que celle des pays voisins, parce que le déficit public ne sert qu’à financer des dépenses courantes[11], [12],[13],[14]. Comme les autres pays de la zone euro, la France doit respecter les critères de Maastricht.
[modifier] Analyse théorique de la dette publique
La dette publique est analysée dans le cadre de la gestion temporelle des finances publiques, des transferts inter-générationnels, de la gestion des chocs (guerre, destruction d’infrastructures,...), de la démographie, du taux de croissance de l'économie, du niveau des taux d'intérêt et de l'inflation,...
Les principaux courants de la théorie économique contemporains, la synthèse néo-classique et le néo-keynésianisme, prônent la pratique d’une politique budgétaire contra-cyclique pour partiellement lisser les variations de la production liées à la cyclicité économique. Les pays de l’OCDE pratiquent avec plus ou moins de rigueur cette politique[15]. Toutefois, les pratiques électoralistes des élus politiques peuvent conduire à la pratique de mauvaises politiques budgétaires : les gouvernements en place augmentent les dépenses publiques à l’approche des élections[15].
Le courant de pensée keynésianisme prônait la mise en place de politiques de relance qui auraient permis d’augmenter durablement la production. Mais les échecs répétés des politiques de relance des années 1980 dans les pays développés ont amené ces derniers à cesser ces pratiques, qui ont amené leurs endettements à des niveaux très élevés. Dans un célèbre article[16], Robert Barro a montré en 1974, au moyen de la théorie des anticipations rationnelles, que la hausse des dépenses publiques favorise l’épargne des agents économiques (en prévision de futurs impôts) et que cet effet rend inefficaces les politiques de relance (principe d’équivalence ricardienne). Néanmoins, il faut remarquer que les hypothèses propres aux anticipations rationnelles ne sont pas vérifiées dans la réalité actuelle (les agents économiques ne connaissent pas les lois de probabilité sous-tendant l'économie), en conséquence l'équivalence ricardienne doit être manipulée avec précaution, et ne peut être invoquée systématiquement comme raison de ne pas recourir à l'endettement public.
[modifier] Historique
Les dettes publiques existaient peu dans les cités grecques de l’Antiquité, uniquement comme des exceptions temporaires[17], mais pas sous l’Empire romain dans lequel les empereurs s’endettaient à titre personnel[18]. De même, les monarques européens se sont initialement endettés à titre personnel sans que la notion de dette publique existe véritablement.
La Renaissance italienne a permis l’émergence d’emprunt public, de la part de villes comme Florence ou Venise ; puis la dette publique s’est développée de manière plus importante, mais les gouvernants n'hésitent pas à flouer leurs créanciers. « L'histoire financière des monarchies européennes est pleine de ce que l'on pourrait pudiquement appeler des discontinuités, les banqueroutes plus ou moins déguisées succédant aux tentatives des monarques de gagner non sans mal la confiance du public »[19]. Seule l’Angleterre parvient très tôt à obtenir la confiance des particuliers, et dès lors, des taux d'emprunt très faibles, qui favoriseront son expansionnisme militaire[20].
Le XIXe siècle européen est celui de l'augmentation de la confiance du public envers l'État, qui acquiert alors un statut d'« être éternel »[21].
[modifier] Bibliographie
- J. Andréau, G. Béaur, J.-Y. Grenier, La dette publique dans l'histoire, éd. CHEFF, 2006 introduction en ligne
[modifier] Notes et références
- ↑ définition, par l’INSEE
- ↑ Elles dépendent de décisions libres des agents (à quel âge prendront-ils leur retraite ?), d'évènements aléatoires (le taux de mortalité des retraités, leur nombre d'enfants, etc.), etc.
- ↑ 1973 Refonte des statuts, site de la Banque de France
- ↑ 1993 Réforme capitale : l'indépendance, site de la Banque de France
- ↑ AFT, Bulletin n° 209 - octobre 2007, page 8
- ↑ Indicateurs globaux de l'agence de la dette
- ↑ l'évolution de la dette sur le site du programme de stabilité
- ↑ définition de la dette
- ↑ par l'assemblée nationale française, par l’Etat français, par des libéraux,…
- ↑ Voir graphique p.69 du Rapport préparatoire au débat dʼorientation budgétaire français 2008, et les chiffres détaillés, Ministère des finances canadien. L'année budgétaire au Canada va du 1er avril au 31 mars de l'année suivante. Les chiffres officiels sont ceux de fin d'exercice, c'est à dire au 31 mars de l'année indiquée. Ils sont en dollars canadiens.
- ↑ Rapport Pébereau sur la dette publique, qui écrit : « Depuis 25 ans, la plupart du temps (19 années sur 25), le déficit public (et donc la dette correspondante) n’a pas servi qu’à financer de nouveaux éléments d’actifs mais d’autres dépenses : le renouvellement des équipements existants et des dépenses de fonctionnement courant. » (version document de travail, page 39, section II-A-2-a)
- ↑ Voir section détaillée
- ↑ « Comment améliorer les règles de la dette publique en zone euro », article dans Les Échos, 9 septembre 2006
- ↑ Comment nous avons ruiné nos enfants, Patrick Artus, ed. La Découverte, 2006
- ↑ a b « Cyclicité de la politique budgétaire: le rôle de la dette, des institutions et des contraintes budgétaires », Perspectives économiques de l'OCDE No. 74, OCDE, 2003
- ↑ « Are Government Bonds Net Wealth? », Journal of Political Economic, 1974
- ↑ « L'endettement des cités grecques dans l'Antiquité », Léopold Migeotte, in La dette publique dans l'histoire, 2006, p. 115
- ↑ « Existait-il une dette publique dans l'Antiquité romaine ? », Jean Andreau, in La dette publique dans l'histoire, 2006, p. 101
- ↑ La dette publique dans l'histoire, p. 4
- ↑ La dette publique dans l'histoire, introduction
- ↑ La dette publique dans l'histoire, p. 4