Delfeil de Ton
Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Vous pouvez partager vos connaissances en l’améliorant. (Comment ?).
|
Delfeil de Ton, de son vrai nom Henri Roussel, est un journaliste de la presse écrite française, considéré comme une référence en matière d'humour de style et d'indépendance d'esprit.[réf. nécessaire]
Il fut l'un des premiers rédacteurs de Hara-kiri et de Hara-kiri-Hebdo (qui deviendra par la suite Charlie-Hebdo). Depuis 1975, il est collaborateur de l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur. Sous le titre Les lundis de Delfeil de Ton, page créée dans Hara-kiri hebdo en 1969, il traite de l'actualité, des faits de société, trouvant matière à écrire dans ce que nous pourrions appeler notre époque.
Sommaire |
[modifier] Historique
Delfeil de Ton est né en région parisienne. Il est le fils d’un fonctionnaire et d’une mère au foyer. Après une propédeutique à la faculté de lettres et une année d’études de droit, il est happé par ses obligations militaires et passe plus de trente mois en Algérie. De retour à Paris, il mène de pair la recherche d'un emploi, puis l'emploi et l'écriture. Il rédige les Mémoires de Delfeil de Ton tout en souhaitant intégrer le milieu journalistique.
[modifier] Hara-Kiri mensuel
Durant l’hiver 1966, il envoie son manuscrit à Hara-kiri mensuel. François Cavanna le remarque et le garde en réserve en attendant qu'Hara-Kiri, qui est à ce moment-là interdit depuis plusieurs mois, soit réautorisé à paraître. Pour cela, il faudra attendre février 1967. Le premier chapître des Mémoires de Delfeil de Ton est publié en mars 1967. Cavanna sollicite alors d'autres écrits. Très vite et régulièrement, Delfeil de Ton occupe plusieurs pages. On y trouve ses premiers articles sur le jazz. Il signe sous différents pseudonymes (par exemple Gunnar Wollert), pour faire nombre, car après cette interdiction, Hara-Kiri a peu de collaborateurs.
[modifier] Charlie Mensuel
En février 1969, avec Georges Bernier, alias le Professeur Choron, commence Charlie-mensuel. Delfeil de Ton en est le rédacteur en chef jusqu'en 1970.
[modifier] Hara-Kiri hebdo
En février 1969, il est l'un des collaborateurs fondateurs d'Hara-Kiri hebdo, lancé par le Professeur Choron, et avec Cavanna, autre rédacteur, ainsi que les dessinateurs Willem, Georges Wolinski, Cabu, Reiser, Pierre Fournier, et Gébé.
En novembre 1970, l'hebdomadaire Hara-Kiri est interdit par le Ministre de l'intérieur Raymond Marcellin. Faisant fi de cette interdiction, fort du soutien et de l'écho qu'elle suscite - le Nouvel Observateur va jusqu’à leur proposer de les accueillir -, toute l'équipe décide de contourner la censure.
C'est sous le titre Charlie-Hebdo, supplément hebdomadaire de Charlie Mensuel, qu'il reparaît. Il conservera ce titre jusqu’à sa disparition en 1981.
Dans cette publication, chacun y va de sa page et s'y exprime en toute liberté. C'est le début des Lundis de delfeil de Ton avec ces fameux post-scriptum qui n'ont rien à voir, c'est aussi différentes rubriques comme le petit coin de la culture, vite on est pressés, spécial copinage qui lui valent la célébrité. Il donne droit de cité à tout un mouvement culturel que la presse institutionnelle ignore.
On lui reconnaît un rôle éminent dans l'implantation du free-jazz en France (Albert Ayler, Sun Ra, …) et dans la notoriété et succès des troupes théâtrales de l'underground culturel. Citons : le grand magic circus de Jérôme Savary, les café-théâtres avec le café de la gare de Romain Bouteille, Le Splendid, la veuve Pichard, Au Vrai Chic parisien...
Son audience est considérable. Il est très suivi par les lecteurs qui établissent avec lui un lien de complicité, comme en témoigne le public qu'il déplace et le courrier qu'il reçoit.
[modifier] Le départ de Charlie-Hebdo
C'est donc en pleine gloire et sans autre explication que Delfeil de Ton va quitter Charlie-hebdo en février 1975.
Ce départ s'est fait en deux temps. Une première fois en 1974 où après un mois il cède aux sollicitations de l'équipe et revient. La seconde fois, en 1975, il reste sourd aux appels qui lui sont faits. Le départ est définitif.
Cette rupture a fait couler beaucoup d'encre et donné lieu a bien des interprétations. Avec le recul, la plus plausible, nous paraît être d'ordre journalistique.
Il faut dire que dans cette période de l'après 1968, Charlie-Hebdo est en crise. Les idées et les mouvements contestataires dont il a été le porte-parole, la caisse de résonance ne sont plus d'actualité. L'hebdomadaire voit son lectorat diminuer.
Ceci est d'autant plus inquiétant que, sans publicité, il ne tire ses ressources que de la seule vente du journal. Pour tenter de remédier à cette situation, Cavanna et Delfeil de Ton défendent des positions divergentes. Cavanna souhaite maintenir le statu quo et laisser au journal son caractère de brulôt dans le style et l'esprit de l'Assiette au Beurre. Delfeil de Ton pense que le journal doit évoluer et s'ouvrir à d'autres collaborateurs qui susciteront de nouveaux intérêts.
À cela s'ajoute, pour Delfeil de Ton, au fil des années, une certaine lassitude. Il est de plus en plus épuisé par le rythme et la quantité de travail imposé par sa double collaboration (mensuel, hebdo).
Il quitte donc Charlie-Hebdo, mais ne quitte pas pour autant l'équipe Hara-Kiri. Il restera, jusque dans les dernières années de sa parution, collaborateur régulier du mensuel Hara-Kiri. Il y garde ses amis.
Signalons que Le Nouvel Observateur lui doit d'avoir pu recruter en janvier 1981 le dessinateur Reiser puis, après la mort de ce dernier, Wolinski (mars 1984).
[modifier] Libération
Delfeil de Ton quitte donc l'hebdo en 1975 et se tourne vers le quotidien Libération. En toute liberté, il y apporte ses textes. Il y crée une rubrique rapido. C'est une collaboration bénévole, informelle, qui se maintiendra jusqu'en 1981.
[modifier] Le Nouvel Observateur
En septembre 1975, il entre au Nouvel Observateur et y reprend sa page de Charlie-Hebdo : Les lundis de Delfeil de Ton.
On trouve des échos de ce recrutement dans les entretiens que Christiane Duparc et lui-même ont donné à François Kraus et tels qu'il rapporte leurs propos dans Presse-hebdo.
Dès 1974, Christiane Duparc, journaliste au Nouvel Observateur, à la direction du service Notre Époque s'était empressée de le contacter et de lui proposer d'entrer à l'Obs. Mais sa venue se heurte à l’hostilité de plusieurs dirigeants qui considèrent que, par leur vulgarité et leur violence, ses papiers « ne sont pas faits pour L’Observateur[1].». De plus, lui-même préfère revenir à Charlie Hebdo.
Après un semestre sabbatique mis à profit pour collaborer bénévolement à Libération, il entre en septembre 1975 au Nouvel Observateur, et ceci en dépit d’une perte salariale notable. Il faut dire qu’il est enthousiasmé par l’idée de mettre sa chronique (Les lundis de Delfeil de Ton) en synergie avec la BD de Brétecher afin de créer « une sorte de mini Charlie Hebdo[2]» au milieu du journal. Relativement en retrait de l’actualité – son papier est remis le lundi pour un bouclage le vendredi –, il fait preuve d’une extrême susceptibilité quant à sa liberté de parole au point que Christiane Duparc est la seule de la rédaction qu’il autorise à lire ses textes avant publication.
Claude Perdriel et Jean Daniel le recrutent alors comme « une attraction » qui a, au mieux, « la possibilité d’attirer 500 ou 1000 lecteurs en plus[3]», et lui apporte surtout un ton corrosif, libertaire et virulent.
Il faut dire que ses chroniques sont des plus virulentes à l’égard d’institutions comme l’Église, l’Armée, la Justice ou la Police. Ces deux dernières font, dans la plus pure tradition gauchiste, l’objet d’un intérêt majeur. Il critique ainsi fréquemment le racisme de la police, la “justice de classe” ou le caractère expéditif de la procédure de flagrant délit. L’Église est tout autant vouée aux gémonies, à la limite de l’antichristianisme. S’attachant à mettre l’accent sur le caractère sectaire de l’Église, il dénonce encore l’instrumentalisation du Christ dans la lutte contre le marxisme. il n’hésite pas assimiler la figure du pape et celle de Pinochet dans une scène de torture où il pose ce dernier en « dernier défenseur de la Chrétienté ».
Mais cet anticléricalisme s’inscrit dans le cadre d’un rejet plus général de l’ordre moral. Ce rejet apparaît particulièrement sur les questions de mœurs, de productions ou publications érotiques. La loi contre la pornographie est présentée comme une concession « aux braillards réacs » visant à terroriser le cinéma français. Il s’en prend au lobby anti-avortement. Ses attaques n’épargnent pas non plus la télévision d’État ou la presse de droite. Il proteste ainsi contre l’arrêt du Masque et la plume sur FR3 (février 1976), les pratiques du groupe Amaury ou l’étendue d’un empire Hersant dont il décrit le navire amiral (Le Figaro) comme « le journal des belles dames et des messieurs décorés » « à la portée de n’importe quel colonel à la retraite » .
Son regard sur l’étranger est marqué par son anti-totalitarisme. Par le biais de la culture et notamment du jazz et du rock, il dénonce l’oppression subie à l’Est dans de ce qu’il qualifie de « pays des bureaucrates ». Et, comme il l’écrit au sujet de l’Uruguay, « dictature militaire de droit ou gauche [..., ] les dictatures sont toujours militaires, [...] toujours tortionnaires ».
Dans un style rapide concis qui lui est propre, avec un humour mordant souvent noir, ses écrits le situent en dehors de toute obédience, de tout parti-pris militantiste, hors du politiquement correct. Attaché à toutes les libertés, individuelles et collectives, ses prises de positions en faveur de la liberté d'expression et particulièrement de la liberté de la presse sont très remarquées.
Ardent défenseur de la langue française, qu'il maîtrise et manie à la perfection, c'est avec passion et virulence qu'il a lancé dans la presse écrite la campagne contre le projet ministériel de réforme de l'orthographe (et fut rejoint par Cavanna).
Rien d'étonnant que cet homme cultivé, que la littérature passionne autant que la presse, prenne la plume pour que le web reste un extraordinaire moyen de culture et de communication à portée de tous (droits d'auteur - bibliothèque numérique)
Devenu une figure du journal, considéré par certains comme la "caution gauchiste" voire "anarchisante" du Nouvel Observateur, il n'en demeure pas moins l'un de ses plus éminents collaborateurs. Son intérêt pour le contenu sociétal l’amène à refuser une place d’éditorialiste vers 1980/1981. On trouve sa page dans Notre Époque. Ailleurs, on trouve encore ponctuellement sa signature dans les pages littéraires (articles - billets dans sifflets-ovations). Le web se fait l'écho-mémoire de l'intérêt et des multiples réactions que ses écrits suscitent.
[modifier] Autres collaborations
L'autre journal, éphémère mais légendaire publication de Michel Butel, fondé en 1984, disparaît pour reparaître en 1992.
En 1992, s'il participe au projet et au lancement du nouveau Charlie-Hebdo de Philippe Val, Cabu et Gébé, il prendra vite les distances avec ce nouvel hebdomadaire et mettra vite un terme à sa collaboration en tant que rédacteur (trois mois).
[modifier] Bibliographie
[modifier] Auteur
Le premier ouvrage est un choix de chroniques parues entre 1970 et 1972); les Lundis et Palomar et Zigomar sont ses chroniques in extenso des années 1973 et 1974, relatant la fin des années Pompidou et le début des années Giscard.
- On peut cogner, chef ? (1973) aux Éditions du Square. Série Bête et méchante Réédité en gallimard Folio en 1975
- Mon cul sur la commode suivi de La pornographie est-elle un alibi (1975) Édition Bourgois
- Palomar et Zigomar sont au pouvoir : 1974, tome I (1975) - Collection 10-18
- Palomar et Zigomar tirent dans le tas : 1974, tome II (1975)- Collection 10-18
- Les lundis de DDT : 1973, tome I (1978) Collection 10-18
- Les lundis de DDT : 1973, tome II (1978) Collection 10-18
[modifier] Auteur et directeur de collection
- Les années Reiser aux éditions Albin Michel. Œuvre colossale, véritable somme qui réunit en 9 volumes les dessins inédits ou non publiés en album du dessinateur. Hommage au talent de son ami Reiser, décédé en 1983.