Bataille de Bir Hakeim
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Bataille de Bir Hakeim | |
Informations générales | |
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Date | 26 mai 1942 - 11 juin 1942 |
Lieu | Bir-Hakeim (Libye) |
Issue | Victoire française |
Belligérants | |
Première brigade française libre | Deutsches Afrika Korps |
Commandants | |
Gen. Kœnig | Gen. Rommel |
Forces en présence | |
3 703 hommes | |
Pertes | |
140 tués, 229 blessés, 814 prisonniers, 40 canons | 3 300 tués, blessés ou prisonniers, 51 chars, 49 avions, + de 100 véhicules divers détruits |
Seconde Guerre mondiale | |
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Bir Hakeim Libye, auprès duquel avait jadis existé un fortin turc. Du 26 mai au 11 juin 1942, la première brigade française libre du général Kœnig y résista pendant seize jours aux attaques des armées motorisées italiennes et allemandes (l'Afrika Korps) du général Rommel. Le répit, ainsi gagné par le courage des Français libres, permit aux Britanniques, en mauvaise posture, de se replier et de triompher par la suite à El Alamein. Le général Saint-Hillier dira en octobre 1991 dans un entretien : « Il fallut qu'un grain de sable enrayât l'avance italo-allemande, qui n'atteignit El-Alamein qu'après l'arrivée des divisions britanniques fraîches : le grain de sable s'appelait Bir Hakeim. »
(parfois orthographié anciennement Bir Hacheim) est un simple point d'eau désaffecté au milieu du désert de
Sommaire |
[modifier] Situation en Libye au milieu de 1942
Au début de 1942, après sa déroute dans l'ouest de la Cyrénaïque, la 8e armée britannique fait face aux troupes germano-italiennes en Libye, autour de la place forte de Tobrouk. En mai 1942, l'offensive allemande en Libye est relancée avec pour but final, la prise du canal de Suez. Cette offensive sera menée à bien jusqu'à la bataille de Bir Hakeim qui ruinera les ambitions de Rommel au Moyen-Orient. L'offensive débute sous de bons augures, le général Kesselring et son corps aérien, revenus du front de l'est, ont lancé l'opération Herkules. Malte, qui entravait le ravitaillement de l'Afrika Korps, menace d'être mise à genoux par les bombardiers opérant à partir des bases de Sicile. De plus, des hommes-grenouilles italiens ont réussi à couler deux cuirassés britanniques, ainsi qu'un cargo de la Royal Navy, en rade d'Alexandrie. Le ravitaillement et les renforts germano-italiens s'améliorent alors que les Britanniques sont contraints d'envoyer des troupes en Asie du Sud-Est pour contrer les Japonais.
Pour préparer cette offensive, Rommel peut aussi compter sur de multiples sources de renseignements sur la situation de l'ennemi. L'Abwehr a réussi à percer les codes britanniques et peut déchiffrer les messages transmis aux attachés militaires américains qui regorgent de précisions sur le dispositif militaire britannique ; il a aussi infiltré un espion au Caire, John Eppler et, à ceci, s'ajoutent les moyens de surveillance radiotélégraphiques de la compagnie d'écoute Horch. Certes, Rommel n'a pour cette offensive que 90 000 hommes et 575 panzers à opposer aux 100 000 hommes et 994 chars britanniques, mais il possède l'initiative et ses troupes sont plus mobiles et plus aguerries, en particulier pour combattre dans le désert. Il choisit d'envelopper la ligne de front britannique par le sud et de remonter ensuite au nord de manière à séparer en deux la 8e armée britannique du général Ritchie. Le 26 mai 1942, Erwin Rommel lance son offensive, avec laquelle il espère atteindre le canal de Suez.
Avec son aile gauche, composée des 10e et 21e corps italiens (divisions Sabratha, Trento, Brescia et Pavia) renforcés par la 15e brigade allemande d'infanterie, il déclenche une attaque frontale sur Gazala, sur la route côtière, en direction de Tobrouk, espérant ainsi y fixer l’essentiel des forces du Commonwealth. Mais, simultanément, il lance vers le sud, ses cinq meilleures divisions (la 15e Panzerdivision, la 21e Panzerdivision, la 90e division motorisée allemande, la division blindée Ariete et la division motorisée Trieste), en un mouvement tournant destiné à contourner la ligne fortifiée nord-sud des Britanniques, de façon à remonter ensuite vers le nord pour prendre à revers le gros des forces britanniques et les détruire dans la poche ainsi créée. Il espère ensuite une chute rapide de Tobrouk, pour pouvoir foncer sur l'Égypte. Le général Ritchie, commandant la 8e armée britannique, convaincu que les Allemands attaqueront directement Tobrouk, a déployé le gros de ses forces face aux deux divisions italiennes, avec quatre divisions et deux brigades. Le flanc sud n'est couvert que par deux divisions et trois brigades dont la 1re brigade française libre. Le piège semble pouvoir se refermer sur la 8e armée.
[modifier] La position de Bir Hakeim, un réduit français libre
Parmi les points de résistance faisant face au sud, l'un est un peu particulier, car tenu par les Français libres. La 1re brigade française libre commandée par le général Kœnig, est une unité assez hétérogène, formée au gré des ralliements successifs. Elle a un effectif de 3 700 hommes, répartis dans six bataillons : deux de légion étrangère, les 2e et 3e de la 13e DBLE (demi-brigade de la Légion Étrangère, dans laquelle ces soldats sont essentiellement des Républicains espagnols, soldats braves, expérimentés et maîtrisant les techniques de guérilla), du colonel prince Amilakvari ; les bataillons de l’Oubangui-Chari et du Pacifique forment, eux, la demi-brigade de marche du colonel Roux ; celui de fusiliers marins du commandant d’Amyot d’Inville et celui d'infanterie de marine du commandant Savey. Le 1r régiment d’artillerie du chef d'escadrons Laurent-Champrosay et plusieurs petites unités, comme la 22e compagnie nord-africaine du capitaine Lequesne et la 17e de sapeurs-mineurs du capitaine Desmaisons, les appuient. La 13e DBLE a été formée en 1940 comme demi-brigade de montagne, et qu'elle a connu cette même année, en compagnie des bataillons de chasseurs alpins, les grands froids de la bataille de Narvik (Norvège).
Comme pour les troupes, l'armement est d'origine diverse et assez hétéroclite. Ainsi 63 chenillettes Bren Carrier, de nombreux camions et deux obusiers ont été fournis par les Britanniques. Mais la grande majorité de l'artillerie est d'origine française, récupérée au Levant. On y trouve 54 canons de 75 (dont 30 utilisés en antichars), 14 de 47, 18 de 25. Les Britanniques ont aussi fourni 86 fusils antichars Boys de 12,7 mm et 18 canons antiaériens de 40 mm Bofors, mais la plupart de l'équipement de l'infanterie est français avec 44 mortiers de 81 ou de 60, 76 mitrailleuses Hotchkiss, dont 4 bi-tubes, 96 fusil-mitrailleurs 24/29 de DCA et 270 d’infanterie. La garnison dispose au départ de dix jours de ravitaillement et de vingt mille obus de 75.
Le général Bernard Saint-Hillier décrit ainsi la position de Bir Hakeim que les hommes de Kœnig vont devoir défendre :
« Simple croisement de pistes dans un désert aride, caillouteux et nu que balaient les vents de sable, Bir Hakeim est vu de partout. Le champ de bataille se caractérise en effet par une absence totale de couverts et d'obstacles naturels. La position englobe une légère ondulation sud-nord, que jalonne un ancien poste méhariste, sans valeur défensive, et, près d'un point coté 186, les deux mamelles, qui sont les déblais de deux anciennes citernes. À l'est de l'ondulation, une grande cuvette inclinée vers le nord. Kœnig divise le point d'appui en trois secteurs, défendus par trois des bataillons. Le 2e bataillon de la 13e DBLE tenant la façade est. Le 3e en réserve, forme plusieurs groupes mobiles dotés de véhicules et de canons de 75 ou de 25 portés, disponibles pour mener des reconnaissances parfois lointaines à l’extérieur du réduit. Le système défensif emploie massivement les mines. Le commandant Vincent, de la brigade FFL, décrit ainsi les défenses de Bir Hakeim : Pour donner de la profondeur à ce système défensif relativement linéaire, un marais de mines, c'est-à-dire une surface très grande faiblement minée, précède la position. Les branches nord et nord-est de ce marais s'étendent jusqu'aux centres de résistance voisins. À hauteur du Trigh-el-Abd, elles sont reliées par une bande minée. Le triangle ainsi déterminé sur le terrain, qui est baptisé zone du V, est surveillé par des patrouilles motorisées de la brigade FFL. »
[modifier] L'assaut italien
Dans la nuit du 26 mai 1942, Rommel, devançant l’offensive planifiée par les Britanniques, passe le premier à l’attaque. Les 15e et 21e divisions blindées, ainsi que la 90e division légère de l’Afrika Korps et les deux divisions du 20e Corps d’armée italien, la blindée Ariete et la motorisée Trieste, lancent le large mouvement de contournement prévu, au sud de Bir Hakeim. Les unités blindées britanniques surprises résistent de façon improvisée et désordonnée aux Germano-Italiens qui leur infligent des pertes considérables, mais ces derniers subissent aussi, eux-mêmes, des pertes importantes. À la nouvelle des premiers mouvements ennemis, Kœnig fait prendre à ses hommes leurs dispositions pour le combat.
Le 27 mai, à 9 heures, Rommel donne l'ordre au général Stefanis, commandant de la division blindée italienne Ariete, d'attaquer Bir Hakeim par le sud-est. Les unités de cette division, à savoir le 132e régiment de chars équipé de M13/40, le 8e régiment de bersaglieri (tirailleurs) et le 132e régiment d'artillerie, abordent la position française, à revers en deux vagues successives, à partir de 9h30. Les bersaglieri qui tentent de débarquer de leurs camions pour soutenir la charge blindée sont contraints au repli par la violence du tir de barrage de l'artillerie française. Les blindés chargent courageusement, mais donc sans aucun appui et tentent de traverser le marais de mines. L'alerte est cependant très chaude car six d'entre eux parviennent à s'infiltrer à l'intérieur de la position française, malgré les mines et les antichars. Ils seront détruits à bout portant par les canons de 75 mm et leurs équipages seront capturés. Le capitaine Morel, chef de la 5e compagnie, bien que gardant son sang-froid, décide quand même de brûler son fanion et ses documents, croyant la situation désespérée.
Les chars restants tentent alors de déborder la résistance par le nord, mais ils tombent dans le champ de mines en V, qui protège ce flanc. Les Italiens finissent par se regrouper et se replier. Ils laissent trente-deux blindés sur le terrain et quatre-vingt-onze prisonniers dont le lieutenant-colonel Pasquale Prestisimone, commandant du 132e régiment de chars. La division Ariete a été réduite à trente-trois chars en quarante-cinq minutes, et doit cesser son attaque. Les Français, eux, n'ont que deux blessés, un camion et un canon détruit. Beaucoup de tirs des canons antichars ont lieu à 400, voire à 200 mètres, mais, malgré le courage des Italiens, les légionnaires n'ont pas perdu pied. La journée du 27 mai se termine sur un cuisant échec pour les forces de l'Axe localement mais, plus au nord, la 3e brigade indienne, elle, est anéantie et deux brigades britanniques, la 4e blindée et la 7e motorisée, bousculées, doivent se replier sur Bir-el-Gobi et El-Adem, laissant Bir Hakeim isolé. Durant les journées du 28 et du 29, la Royal Air Force bombarde les alentours et la position de Bir Hakeim, s'en prenant aux carcasses de chars italiens. Le général Kœnig se voit donc forcé d'envoyer un détachement, sous les ordres du capitaine de Lamaze, pour incendier ces épaves, afin d'éloigner le risque de méprises. Le groupement essaie vainement de prendre contact avec la 150e brigade britannique, installée plus au nord, mais l’artillerie italienne l'oblige à y renoncer, non sans avoir détruit sept automitrailleuses ennemies. Le 29 mai, c’est le groupe mobile du capitaine de Sairigné qui détruit trois chars allemands. Saint-Hillier raconte le 29 mai :
« Dans notre point d'appui, aucun renseignement ne parvient sur la situation générale, nous savons seulement que la 3e brigade indienne fut écrasée le 27 mai, par 44 chars suivis de nombreuses autres troupes et que la 4e brigade blindée et la 7e brigade motorisée britannique se sont repliées sur Bir-el-Gobi et El-Adem. Nous sommes en grande partie isolés du reste de l'armée britannique... »
Le lendemain, 30 mai, et le jour suivant, un calme relatif revient à Bir Hakeim, où ne se produit qu’une infiltration ennemie dans les champs de mines.
Quant à l’eau, elle menace de manquer à la suite de l’arrivée de six cent vingt soldats indiens assoiffés, capturés puis abandonnés par les forces de l’Axe en pleine offensive, et de la présence de deux cent quarante-trois prisonniers. Le groupement mobile du capitaine Lamaze, à la demande de la 7e division blindée britannique, se charge de colmater la brèche ouverte la veille par les blindés de l’Axe dans le champ de mines. Soutenus par le colonel Amilakvari, les légionnaires sont surpris par l’adversaire, mais réussissent à se replier, grâce à l’intervention des Bren Carriers de la 9e compagnie Messmer.
Le 31 mai, les cinquante camions de ravitaillement de la 101e compagnie automobile du capitaine Dulau, parviennent enfin à Bir Hakeim, avec leur cargaison d'eau. En repartant, le convoi, récupère les blessés graves et les bouches inutiles, Indiens et prisonniers ennemis. Un raid mené par le colonel Amilakvari, destiné à nettoyer les alentours avec les groupes mobiles Messmer, de Roux et de Sairigné, permet de détruire encore cinq chars ennemis et un atelier allemand de réparation de blindés. Le bilan de la brigade FFL, du 27 mai au départ du convoi, est de quarante et un chars détruits, quatre-vingt dix-huit prisonniers allemands et cent quarante-cinq italiens pour seulement deux morts et quatre blessés. Ce même 31 mai, les allemands sont forcés de reculer temporairement vers l'ouest, suite à une contre-offensive de la 150e brigade britannique, mais celle-ci est mise en pièces et, dès le lendemain, l'encerclement de Bir Hakeim est de nouveau en place.
[modifier] Le siège
En vérité, les succès de Rommel au nord, où les combats font rage, ont aussi affaibli les forces de l’Axe, car les Britanniques ont mis en œuvre leur supériorité numérique en chars. De plus, la défense victorieuse de Bir Hakeim par les Français rend risqué le mouvement de contournement projeté par Rommel, malgré les coups sévères portés aux Britanniques, comme la destruction le 1er juin de leur 150e brigade d’Infanterie. Les divisions de l’Afrika Korps, ne peuvent laisser subsister sur leurs arrières la menace d’une brigade alliée qui vient de prouver sa valeur. Rommel va donc devoir stopper son avance, jusqu’à ce qu’il ait réduit le point d’appui français. Après avoir renforcé les divisions italiennes avec des troupes de l’Afrika Korps pour appuyer leur attaque, et fait bombarder à plusieurs reprises, le 1er juin, le camp retranché français, Rommel envoie contre cette place la division motorisée Trieste, la 90e division légère allemande et 3 régiments blindés de reconnaissance de la division Pavia. Elles arrivent le 2 juin devant le camp retranché.
La garnison de Bir Hakeim repère l’approche des unités ennemies à 8 heures du matin, les premières formations allemandes progressant vers le sud, tandis que les Italiens s’avancent au nord. Deux officiers italiens se présentent, à 10 heures 30 du matin devant les lignes du 2e bataillon de légionnaires étrangers, et demandent la reddition du camp retranché. Le général Kœnig rejette leur ultimatum. Du 2 au 10 juin un duel d'artillerie a lieu, plus de 40 000 obus de gros calibre sont tirés (allant du calibre 105 au 220 mm) et une grande quantité de bombes est larguée. Les Français, eux, tireront 42 000 obus de 75 mm. La position est aussi continuellement pilonnée par les aviations allemande et italienne. Les Stukas allemands effectueront plus de vingt sorties de bombardement sur Bir Hakeim. L'armée britannique est incapable de soutenir la défense des Français, à l'exception d'une attaque, vite enrayée, le 2 juin, contre la division Ariete. L'isolement de Kœnig est presque total.
Le 3 juin, Rommel envoie un message écrit de sa main au général Kœnig : « Aux troupes de Bir Hakeim. Toute résistance prolongée signifie une effusion de sang inutile. Vous subirez le même sort que les deux brigades anglaises de Got-el-Oualeb qui ont été détruites avant-hier. Nous cessons le combat si vous hissez des drapeaux blancs et si vous vous dirigez vers nous, sans armes. » . La seule réponse de la brigade FFL sera une salve de canon du 1er régiment d'artillerie qui détruira quelques camions allemands. Les 3 et 4 juin 1942, tous les assauts germano-italiens sont repoussés alors qu'ils sont précédés de tirs de canons de 105 mm et de bombardements. Le général Rommel raconte : « Une invitation à se rendre, portée aux assiégés par nos parlementaires, ayant été repoussée, l'attaque fut lancée vers midi, menée du nord-ouest par la division motorisée Trieste, et du sud-est par la 90e division motorisée allemande, contre les fortifications, les positions et les champs de mines établis par les troupes françaises. La bataille de juin commença par une préparation d'artillerie ; elle devait se poursuivre pendant dix jours durant et avec une violence peu commune. Pendant cette période, j'assumai moi-même, à plusieurs reprises, le commandement des troupes assaillantes. Sur le théâtre des opérations africaines, j'ai rarement vu combat plus acharné. ». Von Mellenthin, un des autres généraux allemands de l'Afrikakorps, déclarera plus tard « n'avoir jamais affronté, au cours de toute la guerre du désert, une défense aussi acharnée et héroïque ».
À partir du 6 juin, l'assaut proprement dit commence. La 90e division motorisée envoie ses groupes d'assaut avec l'appui des pionniers du général Kleemann, chevalier de la croix de fer, venant du front russe, vers 11 heures, pour essayer de dégager un passage à travers le champ de mines. Les pionniers allemands réussissent à s'approcher à 800 mètres du fort après avoir réalisé une brèche dans le champ de mines extérieur et, pendant la nuit, ils parviennent à dégager plusieurs couloirs déminés à travers le périmètre intérieur, où l'infanterie s'infiltre à la faveur de l'obscurité. Malgré quelques timides attaques de la 7e brigade motorisée britannique contre la 90e division motorisée, l'encerclement est bouclé au soir du 6. Au nord-ouest, la division Trieste est encore moins heureuse et son attaque piétine. Partout, les soldats français, terrés dans les trous individuels et les blockhaus, tirent avec acharnement et efficacité sur les tentatives de pénétrations des troupes de l'Axe. Même si les champs de mines sont percés à plusieurs endroits, la précision et la densité du tir qui bat ce terrain découvert, empêche toute exploitation des succès initiaux par les troupes allemandes. Les légionnaires, bien retranchés, contre toute attente, malgré le pilonnage incessant, et la faim et la soif qui commencent à se faire sentir, refusent farouchement l'accès à leur fort. La journée du 7, le scénario est le même, les Allemands s'approchent encore de la position, mais le tir continu des Français les cloue au sol. La RAF intervient à quatre reprises en mitraillant les forces engagées dans le champ de mines.
Un dernier convoi arrive dans la nuit, il est guidé par l'aspirant Bellec, qui est passé à travers les lignes allemandes pour aller du camp retranché au convoi. Un brouillard couvre leur arrivée mais couvre aussi les préparatifs de Rommel qui a fait venir du renfort (chars lourds, canons de 88, pionniers du colonel Hacker, ...). Le matin du 8 juin, Rommel est fin prêt à lancer une nouvelle offensive. Il est impressionné par la résistance des Français, et écrit cela dans ses carnets : « Et pourtant, le lendemain, lorsque mes troupes repartirent, elles furent accueillies par un feu violent, dont l'intensité n'avait pas diminué depuis la veille. L'adversaire se terrait dans ses trous individuels, et restait invisible. Il me fallait Bir Hakeim, le sort de mon armée en dépendait. »
Il mène personnellement l'attaque au nord, approchant au maximum les pièces de 88 mm et de 50 mm pour tirer en tir tendu sur les fortifications françaises. La Luftwaffe se déchaîne avec, entre autres, un raid de 42 Stukas qui touche le poste sanitaire de la brigade, tuant 17 blessés. La résistance française devient héroïque, le général Saint-Hillier raconte : « L'équipe de pièce d'un canon de 75 est volatilisée par un coup de 88 frappant l'alvéole ; le légionnaire survivant, la main arrachée, charge son 75 en s'aidant de son moignon, pointe son canon et touche le 88...». Au soir, seuls quelques endroits au nord du dispositif ont été entamés, le général Kœnig adresse un message à ses hommes. Il a été informé que le 10 juin serait le dernier jour à tenir et qu'ils pourront abandonner la position à l'ennemi le lendemain, les Britanniques ayant pu se réorganiser durant le précieux temps où la 1re brigade française libre a bloqué l'Afrikakorps. Voici son message : « Nous remplissons notre mission depuis quatorze nuits et quatorze jours. Je demande que ni les cadres ni la troupe ne se laissent aller à la fatigue. Plus les jours passeront, plus ce sera dur : cela n'est pas pour faire peur à la 1re brigade française libre. Que chacun bande ses énergies ! L'essentiel est de détruire l'ennemi chaque fois qu'il se présente à portée de tir ».
Pour le combat du lendemain, la brigade FFL, qui n'a pas été ravitaillée après les durs combats de la veille, ne dispose plus de munitions que pour la journée, les réserves d'eau sont quasiment épuisées. La RAF arrivera à fournir un ravitaillement aérien de 170 litres en eau qui servira surtout pour les blessés. La nourriture manque elle aussi. Jusqu'à 9 h, le brouillard empêche les combats de commencer et permet aux équipes téléphonistes du capitaine Renard de rétablir les lignes avec les Britanniques. Rommel, de son côté a fait venir la 15e Panzerdivision. Dans la matinée, la situation est relativement calme, malgré quelques accrochages au nord-ouest entre le 66e régiment d'infanterie italien (appartenant à la division Trieste) et les hommes du lieutenant Bourgoin qui se battent à la grenade et, bien sûr, comme toujours, les bombardements d'artillerie et d'aviation sur le camp de la part des Allemands. À 13 h, les évènements s'accélèrent, 130 avions germano-italiens bombardent le coté nord du camp, l'infanterie allemande lance son attaque tout en étant couverte par la 15ePanzerdivision qui bombarde elle aussi fortement les Français. La 9e compagnie du capitaine Messmer est enfoncée, ainsi que le centre tenu par la section de l'aspirant Morvan ; malgré tout, la situation est rétablie grâce à une charge de Bren-Carrier. L'artillerie continuera à pilonner les Français jusqu'à 21 h, heure à laquelle une nouvelle offensive est lancée mais de nouveau repoussée. Après cet ultime assaut de l'Afrikakorps, les Français prévoient d'abandonner la position qui n'est plus d'aucune utilité aux Britanniques.
[modifier] L'évacuation
À 17 heures, l'ordre d'évacuation arrive enfin aux Français. Dans la nuit, le général Kœnig précise les détails de sa sortie. Il demande la protection de la RAF et fixe l'heure du départ au lendemain, vers 23 heures. Il attend des Britanniques qu'ils préparent un point de recueil au sud-ouest de la position avec des moyens motorisés qui lui font défaut. Il faut néanmoins tenir encore le lendemain et, outre l'eau potable, la situation en munitions est critique avec quelques deux cents obus de 75 et sept cents de mortiers.
Au matin du 10 juin, le pilonnage de l'artillerie allemande reprend de plus belle et, à 13 heures, l'assaut est lancé sur le secteur tenu par le bataillon de marche de l'Oubangui-Chari et du 3e bataillon de la Légion étrangère. Il est précédé par une attaque de 100 Stuka qui détruisent de nombreux équipements et sèment la confusion dans les rangs français. Les chars de la 15e Panzer et ses grenadiers sont bien près de percer le dispositif français, mais une contre-attaque des légionnaires de Messmer et des Bren-carriers du capitaine Lamaze, appuyée par les derniers obus de mortier, rétablit la situation. Une autre vague d'une centaine de bombardiers survient et l'attaque reprend. Mais, au bout de deux heures, les Allemands, démoralisés par le mordant de leurs adversaires, décident de remettre leur assaut au lendemain, sans se douter que les Français sont à court de munitions.
La position ayant tenu, la sortie prévue va pouvoir avoir lieu. Cependant celle-ci ne va pas être sans difficulté, compte tenu de la situation de la 1re brigade. Le matériel lourd intransportable est détruit la nuit venue et le 2e bataillon étranger se prépare à foncer vers les britanniques de la 7e brigade motorisée britannique, à sept kilomètres de là au sud-ouest. Le déminage, effectué par les sapeurs, s'avère plus ardu que prévu, et c'est avec plus d'une heure et quart de retard que la 6e compagnie du capitaine Wagner sort du périmètre. De plus, seul un couloir étroit, et non la largeur prévue de 200 mètres, a été déminé. Une fusée éclairante dévoile alors le mouvement des Français et ceux-ci, comprenant que la réaction allemande ne va pas tarder, décident alors de foncer, comptant sur la faible densité de mines pour limiter les pertes. Cela va se révéler payant car, si de nombreux véhicules sautent, le 3e bataillon étranger et le bataillon du Pacifique réussissent également à sortir. Plus qu'une attaque organisée, c'est une ruée des Français vers le sud-ouest. En petits groupes, motorisés ou non, ils neutralisent une à une, sur leur passage, les trois lignes de défense italo-allemandes. Se distingueront particulièrement les Bren-carriers du capitaine Lamaze. Ce dernier sera tué en compagnie du capitaine Bricogne, en continuant à pied et à la grenade pour réduire les nids de mitrailleuses. Le lieutenant Dewey trouvera la mort dans le duel entre son bren et un canon de 20 mm ennemi. D'autres comme le capitaine commandant du 3e bataillon, seront capturés. Mais la plus grande partie de l'effectif de la brigade arrive à traverser l'encerclement, derrière la charge des véhicules et des hommes d'Amilakvari. Celui-ci, en compagnie du général Kœnig, arrive à Gasr-el-Abid, après avoir risqué la capture en traversant en trombe un campement ennemi. Les Britanniques voient les premiers éléments français sous la conduite de l'aspirant Bellec, vers quatre heures du matin. Vers 8 h du matin, la majeure partie des hommes de la brigade FFL a réussi à rejoindre la zone de recueil fixée par les britanniques, en véhicule ou à pied. Les patrouilles britanniques recueilleront encore de nombreux isolés et égarés au cours de la journée.
La sortie est un succès complet et Rommel, ignorant que la position de Bir Hakeim a été désertée pendant la nuit, lance un nouvel assaut, au matin. Ses hommes n'y découvriront que des cadavres ainsi que quelques blessés n'ayant pas réussi à fuir. La Luftwaffe, qui a épuisé son carburant au cours de 1 400 sorties au-dessus de Bir Hakeim, n'en a même plus assez pour poursuivre et bombarder les colonnes FFL et britanniques qui s'échappent. Rommel raconte : « Le 11 juin 1942, la garnison française devait recevoir le coup de grâce. Malheureusement pour nous, les Français n'attendirent pas. En dépit des mesures de sécurité que nous avions prises, ils réussirent à quitter la forteresse, commandés par leur chef, le général Kœnig, et à sauver une partie importante de leurs effectifs. À la faveur de l'obscurité, ils s'échappèrent vers l'ouest et rejoignirent la 7e brigade anglaise. Plus tard, on constata qu'à l'endroit où s'était opérée cette sortie, l'encerclement n'avait pas été réalisé conformément aux ordres reçus. Une fois de plus, la preuve était faite qu'un chef français, décidé à ne pas jeter le fusil après la mire à la première occasion, peut réaliser des miracles, même si la situation est apparemment désespérée. Dans la matinée, je visitais la forteresse, théâtre de furieux combats ; nous avions attendu sa chute avec impatience. Les travaux de fortification autour de Bir Hakeim comprenaient, entre autres, 1 200 emplacements de combat, tant pour l'infanterie que pour les armes lourdes ».
[modifier] Bilan et conséquences des combats de Bir Hakeim
Du côté de l'Axe, les pertes sont lourdes, 3 300 hommes ont été tués, blessés ou ont disparu, 277 ont été fait prisonniers. 51 chars et 13 automitrailleuses, ainsi qu'une centaine de véhicules divers ont été détruits. La Luftwaffe, elle, a perdu 7 avions du fait de la DCA et 42 Stukas abattus par la RAF. Les pertes françaises sont comparativement beaucoup plus légères, avec 99 tués et 19 blessés, pendant le siège, et 41 tués, 210 blessés et 814 prisonniers, lors de la sortie. En outre, pendant celle-ci, 40 canons de 75, 5 de 47, 8 Bofors et une cinquantaine de véhicules divers ont été aussi perdus. Au total 2 619 hommes des FFL arriveront à rejoindre les lignes britanniques, sur les 3 703 présents au départ.
Ce fait d'armes entraîne une nouvelle prise de conscience de la valeur et du courage des soldats français, très contestés depuis juin 1940. Le général britannique Ian Playfair dira : « La défense prolongée de la garnison française a joué un rôle important dans le rétablissement des troupes britanniques en Égypte. Les Français libres ont, dès l'origine, gravement perturbé l'offensive de Rommel. L'acheminement de ravitaillement de l'Afrikakorps en a été fortement troublé. La concentration de plus en plus importante de l'Axe, pour percer cet abcès, a sauvé la 8e armée britannique d'un désastre. Les retards qu'apporte la résistance résolue des Français augmentent les chances des Britanniques de se ressaisir et facilitent la préparation d'une contre-attaque. À plus long terme, le ralentissement de la manœuvre de Rommel permet aux forces britanniques d'échapper à l'anéantissement prévu par l'Axe. C'est par là que l'on peut dire, sans exagération, que Bir Hakeim a facilité le succès défensif d'El-Alamein. ». Le maréchal Claude Auchinleck déclara le 12 juin 1942, à propos de Bir Hakeim :« Les Nations unies se doivent d'être remplies d'admiration et de reconnaissance, à l'égard de ces troupes françaises et de leur vaillant général [Kœnig] »[1]. Winston Churchill sera plus laconique : « En retardant de quinze jours l'offensive de Rommel, les Français libres de Bir Hakeim auront contribué à sauvegarder le sort de l'Égypte et du canal de Suez. »
Même Adolf Hitler répondra au journaliste Lutz Koch, de retour de Bir Hakeim : « Vous entendez, messieurs, ce que raconte Koch. C'est bien une nouvelle preuve de la thèse que j'ai toujours soutenue, à savoir que les Français sont, après nous, les meilleurs soldats de toute l'Europe. La France sera toujours en situation, même avec son taux de natalité actuel, de mettre sur pied une centaine de divisions. Il nous faudra absolument, après cette guerre, nouer une coalition capable de contenir militairement un pays capable d'accomplir des prouesses sur le plan militaire qui étonnent le monde comme à Bir Hakeim ». En conséquence, le Führer donna l'ordre ... de fusiller les prisonniers français libres, ordre que Rommel se refusa à exécuter. Pour l'anecdote, Rommel, impressionné par la résistance française et s'apercevant que les prisonniers français mouraient de soif, donna l'ordre de leur attribuer une ration d'eau égale à celle que recevaient les soldats de l'Axe, ce sur quoi il fut en accord avec Mussolini qui avait exigé de ses troupes que les prisonniers français soient bien traités. Charles de Gaulle enfin, envoya un message au général Kœnig : « Sachez et dites à vos troupes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil.»
Le résultat le plus important de la Bataille de Bir Hakeim, c’est le ralentissement de l’offensive allemande, grâce à la résistance acharnée de la garnison de Bir Hakeim, qui a bloqué pendant quatorze jours une part importante des blindés de Rommel sur la route du Canal de Suez. Ce retard, qui va permettre à la 8e armée britannique de s'échapper vers El-Alamein et de s’y fortifier, a constitué un succès stratégique décisif.
Et ce alors même que, peu après, le 21 juin, Rommel s'empare, en effet, sans difficulté, de Tobrouk, malgré sa garnison britannique de 35 000 hommes (2e D.I. Sud-africaine, 201e Brigade de la Garde, 32e Brigade Blindée et 29e Brigade indienne): Le général italien Navarinni y a mené, en effet, l'attaque, à l'aube du 20 juin, avec seulement 30 000 Germano-Italiens, et la garnison britannique, pourtant supérieure en nombre aux assaillants, a capitulé dès le lendemain 21 juin à 9h40, après une journée d'assaut, sans même détruire ses équipements. Si bien qu'en plus de ses 33 000 prisonniers, Rommel y a capturé 2 000 véhicules, dont 30 chars, en état de marche, 2 000 tonnes d'essence et 5 000 tonnes de vivres.
Sa poursuite de la 8e armée continue, et Rommel s'empare encore de Marsa-Matruh avant d'arriver devant El Alamein, à 160 km d'Alexandrie. Mais les divisions italiennes ne possèdent alors plus que 30 chars, et les allemandes que 58 chars, et, très affaiblies, elles ne parviendront pas à percer cette nouvelle ligne de défense. Les Britanniques, qui ont reçu le renfort de cinq divisions fraîches dont une blindée, vont tenir leurs positions malgré de lourdes pertes. Ainsi va être arrêté, une fois pour toutes, l’Afrika Korps dans sa marche vers Alexandrie, Le Caire et le canal de Suez. Le 23 octobre 1942, Montgomery déclenchera alors une offensive qui rejettera inexorablement les forces de l'Axe jusqu'en Tunisie, où elles capituleront.
[modifier] Sources et bibliographie
- Mémoires
- Daniel Rondeau et Roger Stéphane, Des hommes libres : La France libre par ceux qui l’ont faite (Témoignages : Chapitre 16, p. 243 et s.), Ed. Bernard Grasset, Paris 1997.
- Maréchal Rommel, Archives Rommel, Herrlingen-Blaustein.
- Général Kœnig, Bir Hakeim, Ed. Robert Laffont, Paris, 1971.
- Pierre Messmer, La bataille de Bir Hakeim, Revue Espoir, Paris, Sept. 1986.
- Raphaël Onana, Un homme blindé à Bir-Hakeim, Récit d'un sous-officier Camerounais qui a fait la guerre de 1939-45, Éditions L'Harmattan.
- Ouvrages historiques
- Erwan Bergot, La Légion au combat, Narvik, Bir-Hakeim, Dièn Bièn Phu, Presses de la Cité, 1975
- Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La France libre, NRF, Paris, 1996.
- Dominique Lormier, Rommel :La fin d’un mythe, Ed. Le Cherche midi, Paris, 2003.
[modifier] Références
- ↑ Mémoires de guerre, Charles de Gaulle édition La Pléiade p.260.
[modifier] Voir aussi
[modifier] Articles connexes
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