Conjugaisons en espéranto
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L'espéranto utilise la conjugaison la plus simple qui soit : pour conjuguer, on ajoute aux radicaux des verbes une teminaison spécifique et invariable qui renseigne sur le temps et le mode de l'action.
À noter qu'on peut transformer n'importe quel concept en verbe à l'aide de ces terminaisons. Exemple : la musique est belle peut se dire la muziko estas bela, ou la muziko belas ; il joue de la musique se dit li muzikas.
Sommaire |
[modifier] Conjugaisons basiques
5 terminaisons ( 6 avec le -i de l'infinitif ) suffisent pour conjuguer un verbe :
Présent : -as
Mi faras Vi faras Li faras Ŝi faras Ĝi faras Ni faras Vi faras Ili faras Oni faras |
Passé : -is
Mi faris Vi faris Li faris Ŝi faris Ĝi faris Ni faris Vi faris Ili faris Oni faris |
Futur : -os
Mi faros Vi faros Li faros Ŝi faros Ĝi faros Ni faros Vi faros Ili faros Oni faros |
Conditionnel : -us
Mi farus Vi farus Li farus Ŝi farus Ĝi farus Ni farus Vi farus Ili farus Oni farus |
Impératif : -u
Mi faru Vi faru Li faru Ŝi faru Ĝi faru Ni faru Vi faru Ili faru Oni faru |
Les pronoms personnels sont très semblables à ceux de l'anglais :
- À la première personne les pronoms sont Mi ("je") et Ni ("nous").
- À la deuxième, Vi désigne à l'instar de "you" aussi bien tu que vous. Toutefois il existe un "tu" = ci (prononcer "tsi") employé dans certains milieux ou dans certaines circonstances (poésie, religion).
- La troisième personne du singulier a trois pronoms personnels : li ("il"), ŝi ("elle", prononcer "chi") et Ĝi ("il(s)" "elle(s)" "eux" prononcer "dji") utilisé comme "it" pour tout objet ou animal de sexe indéterminé... À ces trois pronoms, il convient d'ajouter l'indéfini : Oni ("on"), qui n'a pas la valeur fréquente du "nous" en français. Au pluriel, cette distinction disparait et on utilise dans tous les cas "ili".
[modifier] Liste des temps et modes
- infinitif (suffixe -i) : fari (faire) — correspondant à l'infinitif français;
- présent (suffixe -as) : faras (ça fait) — correspondant au présent de l'indicatif français;
- passé (suffixe -is) : faris (ça fit) — correspondant aux passé simple, passé composé ou imparfait du français;
- futur (suffixe -os) : faros (ça fera) — correspondant au futur simple de l'indicatif français;
- fictif ( suffixe -us) : farus (ça ferait) — correspondant au présent du conditionnel français;
- volitif ( suffixe -u) : faru ( fais !/faites ! ) — correspondant au présent du subjonctif et de l'impératif français.
Les participes sont bâtis à partir des trois temps de l'indicatif :
- Les participes actifs :
- p.a. présent ( suffixe -ant- ) : faranta (est en train de faire)
- p.a. passé ( suffixe -int- ) : farinta (était en train de faire / a fait)
- p.a. futur ( suffixe -ont- ) : faronta (sera en train de faire / fera)
- Et les participes passifs :
- p.p. présent ( suffixe -at- ) : farata (est en train d'être fait)
- p.p. passé ( suffixe -it- ) : farita (était en train d'être fait / était fait)
- p.p. futur ( suffixe -ot- ) : farota (sera en train d'être fait / sera fait)
[modifier] Les différents degrés de conjugaison
Les formes simples :
- Iu faras : Quelqu'un fait
- Iu faris : Quelqu'un fit
- Iu faros : Quelqu'un fera
- Iu farus : Quelqu'un ferait
- Iu faru : Que quelqu'un fasse
Les formes complexes, du premier degré :
- Iu estas faranta : Quelqu'un est en train de faire
- Iu estas farinta : Quelqu'un a fait
- Iu estas faronta : Quelqu'un est en attente de faire ( fera )
- Iu estis faranta : Quelqu'un était en train de faire ( faisait )
- Iu estis farinta : Quelqu'un avait fait
- Iu estis faronta : Quelqu'un était en attente de faire ( devant faire )
- Iu estos faranta : Quelqu'un sera en train de faire
- Iu estos farinta : Quelqu'un aura fait
- Iu estos faronta : Quelqu'un sera en attente de faire ( devant faire )
- Iu estus faranta : Quelqu'un serait en train de faire
- Iu estus farinta : Quelqu'un aurait fait
- Iu estus faronta : Quelqu'un serait en attente de faire ( irait faire )
- Iu estu faranta : Que quelqu'un soit en train de faire
- Iu estu farinta : Que quelqu'un ait fait
- Iu estu faronta : Que quelqu'un soit en attente de faire ( devant faire )
Le participe passif rend l'expression passive :
Ex : Iu estas far-int-a ion ( Quelqu'un a fait quelque chose ) / Io estas farita de iu ( Quelque chose a été fait par quelqu'un )
À noter que des formes composés au deuxième et troisième degrés sont possibles.
Ex : Mi estas estinta faronta ion : J'ai eu été en attente de faire quelque chose ( Cette forme hautement théorique montrerait qu'actuellement, j'ai été dans le passé, en attente de faire quelque chose. )
Remarque: si "mécaniquement" la forme passive est possible avec tous les verbes, elle n'a de sens qu'avec les verbes transitifs.
Ainsi à: "la lingvo estas degeneranta" (la langue est en train de dégénérer), la forme passive "mécanique" correspondante serait "la lingvo estas degenerata" '"la langue est en train d'être dégénérée"), qui n'a pas de sens (ou qui est fautive, comme en français).
[modifier] Utilisation des temps composés
De fait, chez les bons écrivains l'usage des temps composés à la forme active est rarissime. On dira simplement mi venis, mi dormis et non mi estas veninta, mi estis dormanta ou même mi estis veninta[1]. Dans pendant que je venais, l'inachèvement de l'action est marqué deux fois en français: par «pendant que» et par l'imparfait, l'espéranto se contente de le faire une fois: dum mi venis. De même, si le plus-que-parfait marque l'antériorité dans j'ai agi comme on me l'avait conseillé, le contexte suffit presque toujours pour donner cette précision: dans j'avais agi comme on me l'avait conseillé, les deux verbes sont au plus-que-parfait et nul n'hésitera sur la chronologie.
On peut lire d'ailleurs chez Kalocsay et Waringhien (Plena Analiza Gramatiko, Universala Esperanto-Asocio, 4e édition Rotterdam 1980, p. 112) :
- « Mais de telles constructions sont senties comme lourdes ; dès 1888 Zamenhof avertissait qu'"il ne faut utiliser les formes composées que lorsque le sens l'exige absolument". Beaufront ne tint pas compte de ce conseil mais par la suite, sous l'influence de Kabe qui les évitait toujours, on s'en est servi le moins possible. La plupart du temps on applique les formes simples. »
Il n'en va pas de même pour la forme passive pour laquelle n'existent que des temps composés. (Cette situation a donné naissance à la querelle -ata -ita, tranchée par l'Académie d'espéranto voici une quarantaine d'années.) Toutefois, la forme passive est nettement moins employée que la forme active, ne concernant que les verbes transitifs, et "oni" ("on") ayant toute sa place y compris dans le langage soutenu. Aussi la forme active - pratiquement toujours possible - est-elle souvent préférée :("la aktiva formo estas preferata" se dira plus volontiers "oni preferas la aktivan formon" = "on préfère la forme active").
Notons aussi l'emploi non rare du participe traité comme un adjectif selon le modèle : "la fleur est belle : la floro estas bela = la floro belas":
- j'aurais dû... : mi estus devinta... = mi devintus...
Note
- ↑ Cela peut sembler une infériorité par rapport à l'interlingua (la principale langue rivale de l'espéranto) qui dispose de trois temps pour le passé: io veniva, io ha venite, io habeva venite, mais comme personne n'a défini dans cette langue dans quel cas il faut employer chacun d'eux le handicap n'est qu'apparent.
[modifier] Le problème de la traduction du conditionnel
Dans l'usage zamenhofien, le fictif ou us-tempo, ne correspond pas au conditionnel du français, et se compare davantage à l'irréel du latin, mais à la fois à l'irréel du présent et l'irréel du passé. Mi povus, se mi volus veut donc dire à la fois : je pourrais si je voulais (possem si vellem) et j'aurais pu si j'avais voulu (potuissem si voluissem). C'est un choix que Zamenhof doit aux langues slaves et qu'on trouve par exemple en ancien français. Lucien Foulet en donne des exemples en opposant :
- Se je ne fusse en cest prison
Bien achevaisse cest affaire
c'est-à-dire : « Si je n'étais pas en cette prison, je viendrais bien à bout de cette affaire » à :
- Ne ce ne li deïst il ja
S'a li n'eüst grant accointance
c'est-à-dire : « Il ne lui aurait pas dit cela s'il n'avait été très familier avec elle ». On voit que le subjonctif imparfait de l'ancien français s'utilisait indifféremment pour les deux sens conditionnels (Petite syntaxe de l'ancien français, Librairie Honoré Champion, 3e édition, Paris 1963, pp. 210 et suiv.)
Deux autorités considérables, Kalocsay et Waringhien, condamnent cet usage (loc. cit., p. 335) et ils citent cet exemple : « Se la esp-istoj konjektus, ke la Delegacio havas la rajton reformi, certe ili ne laborus por la Delegacio » dont le sens est manifestement : « Si les espérantistes avaient supposé que la Délégation avait le pouvoir de faire des réformes, ils n'auraient certainement pas travaillé pour elle », mais qui pourrait s'interpréter par : « Si les espérantistes supposaient que la Délégation a le pouvoir de faire des réformes, ils ne travailleraient certainement pas pour elle. »
Ils proposent donc dans le cas du conditionnel d'utiliser la forme composée et d'opposer ainsi : « Mi povus, se mi volus (je pourrais si je voulais) » à « Mi estus povinta, se mi estus volinta (j'aurais pu si j'avais voulu) » ; dans le deuxième cas certains disent : « Mi povintus, se mi volintus ». (Cette construction est parfois contestée, mais n'est en défaut qu'avec une lecture restrictive de la règle numero 6) elle évite en tous cas toute confusion quant au sens.
Tous les auteurs n'ont pas suivi cette recommandation et beaucoup sont restés fidèles à l'usage de Kabe qui n'aimait pas les temps composés. Effectivement il suffit souvent d'un adverbe, bien moins lourd, pour apporter la précision nécessaire. Dans l'exemple précité il suffirait d'écrire : « Se la esp-istoj tiam konjektus etc. », car l'adverbe tiam (à ce moment-là) montre qu'il ne s'agit pas du présent. Et le contexte suffit fréquemment : « Mi faris nenion, kvankam mi povus, se mi volus » ne peut signifier que « Je n'ai rien fait alors que j'aurais pu si j'avais voulu ». En fait la conjugaison en espéranto est surtout une affaire de "mode" et peu de "temps". À l'image de nombreuses langues non européennes, le gestion des temps se réalise surtout au moyen d'adverbes.
[modifier] La querelle -ata/-ita
La différence entre les participes -ata et -ita est nettement indiquée dès le Fundamento : au § 25 de l'Ekzercaro on peut lire : « Kiam via domo estis konstruata, mia domo estis jam longe konstruita ; quand votre maison était en construction, ma maison était déjà construite depuis longtemps. » Dans ces conditions le -a- ne marque pas le présent mais l'inachèvement, comme l'imparfait français.
Cependant, après la Première Guerre mondiale et la mort du Majstro, une nouvelle tendance se développa dans les pays de langue germanique, celle de voir dans cette lettre « a » la marque effective du présent. « Riparata veturilo » ne signifiait plus « voiture en réparation », mais « voiture actuellement réparée, et donc en état de marche ». On voit la confusion qui pouvait en résulter et pendant une quarantaine d'années les espérantistes se divisèrent en atistes et en itistes, ceux du moins qui s'intéressaient à la question.
Seulement, si les premiers comptaient dans leurs rangs un grand nombre de théoriciens, l'immense majorité des auteurs, et surtout des bons auteurs, ceux qui étaient lus, étaient itistes sans état d'âme. La partie n'était donc pas égale. Dans les années soixante Gaston Waringhien décida de faire trancher la question par l'Académie qu'il présidait ; les atistes réussirent d'abord à retarder la décision par des astuces de procédure, mais de nouvelles élections à l'Académie donnèrent à leur adversaire une majorité trop forte.
La question qui fut posée était celle-ci : si l'on voit cet engagement, « Ni garantias, ke la domoj detruitaj dum la milito estos rekonstruataj post du jaroj » (Nous garantissons que les maisons détruites pendant la guerre seront rekonstruataj dans un délai de deux ans), l'engagement sera-t-il tenu si la reconstruction a seulement déjà commencé ou faudra-t-il que les maisons soient achevées ? À la majorité l'Académie adopta le premier point de vue.